Ce n'est pas la ville, et ce n'est pas non plus la campagne.
C'est un endroit intermédiaire, une sorte d'estran interurbain au milieu des
routes, des champs et des carrières. Personne ne s'arrête car il n'y a rien à
voir et les gens, en général, aiment avoir un but de promenade précis, quelque
chose de notable, de connu, référencé, même quand ils vont dans un désert.
Et pourtant c'est un désert puisque personne n'y vient, alors disons que c'est
un désert inintéressant, non instruit, sans critérium. On y passe
éventuellement par besoin, lorsque la route principale est encombrée, entre
deux endroits où l'on a à faire. On y va parfois à reculons, attrapé par
un ami retiré ici à la suite d'un drame personnel. Ou bien par un parent
qui n'a jamais voulu quitter sa maison malgré l'insistance des enfants,
effrayés à l'idée de voir ce qu'ils considèrent comme leur patrimoine rongé par
les vers.
Toutefois certains s'arrêtent pour y
déposer leurs ordures, plus rarement leur chien. Alors on va regarder s'il n'y
aurait pas quelque chose de récupérable avant le passage des ramasseurs de tout
crin, récupérateurs de métal, d'objets à revendre, &c. Bien après, les
cantonniers ne touchent plus à rien car le ciment mouillé et les encombrants
non récupérés sont beaucoup trop lourds pour eux. Le dépotoir
s'installe, alors, sur des bases solides. Il se fait un nom. Les chiens,
eux, rejoignent une meute indéterminée, instable, au fond des terrains. Les
truands y brûlent parfois leurs voitures volées, et les samedi soir
les dealers viennent faire leur commerce dans des endroits précisés par des
canaux opaques. Il n'y a pas de prostitution à proprement parler, plutôt
des lieux de drague suffisamment glauques pour attirer dans leur
voile de dangers une clientèle invisible mais dense. On dirait presque que
c'est l'été.
...
Ce no man's land marie fort bien - empilement - mots et image.
RépondreSupprimerManuel Valls a encore du boulot devant lui.