Les vacances




                     On a bien rangé les outils et le jardin est silencieux, humide  et vert de peur, en attendant l’heure de la révolution du liseron, enfin libre ! Exubérance à la va-comme-je-te-pousse. Après avoir bu un grand bol de café sans respirer on a poussé un grand Aaaah ! Et voilaaaà… Comme pour se persuader que l’on venait de finir un travail important. Le serein de la veille est en voie d’assèchement à la faveur d’un petit vent d’est qui tire le soleil vers le haut. Présage d’altitudes.



On n’ira pas en Bretagne, ou alors le plus possible à l’intérieur des terres, près d’une ancienne départementale abandonnée aux tracteurs, à Plouguernével par exemple (menhir de Ker-Alain, Unité pour Malades Difficiles); ou bien à Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, pour, au retour, enquiquiner les ligéro-pétainistes éternellement ignares. On pourrait aller dans le Cotentin, à Saint-Sauveur-le-Vicomte pour la mémoire de Jules Barbey d’Aurevilly mais pas à la Hague, car on aimerait autant éviter les Déferlantes (mais Prévert, mais Vian). On n’ira pas dans un pays exotique dont le nom seul était autrefois un parfum d’aventure, pour éviter de retrouver des gens qui sont là en masse dans le seul but de  faire  un massacre ou de rapporter un trophée. On pourrait aller dans la Creuse, parce que silence et volupté et Raymond Poulidor (Google Earth y est moins précis qu’au-dessus de la Birmanie) et parce que c’est la possibilité d’aller plus au sud et que le tour de l’Espagne est un rêve toujours impossible. On n’ira pas dans le Lubéron ou à l’île de Ré pour éviter les péteux de tous bords, et plus spécialement les gauchistes arrivés, espèce que l’on aimerait voir enfouie par quelque désastre obscur parce qu’avec l’âge, autant on a pu s’adoucir lorsqu’il s’agit d’être conciliant à propos de broutilles, autant l’intransigeance caractérise encore certains principes dits « de base » (éloge du vieux con). On irait bien en Indre-et-Loire, au fond. Ou encore en Corrèze, pour les contrastes. Il y a certainement foultitude de réacs mais ils ont au moins une excuse congénitale. Cela ne signifie pas que l’on s’entendra avec eux mais de toute façon les gens de droite, c’est bien connu, ne font pas de politique. Et c’est bien ce qu’on leur reproche. Au reste l’on se demande bien dans quel état on va pouvoir partir car il est visible que l’on commence à s’énerver, et il serait navrant de participer de la déprime générale qui précède les grandes migrations.




                On ira comme d’habitude par une route créée de toutes pièces, formes et couleurs inclus. Pas de festivals ni de grands musées, pas de ruines, pas de batailles (quoique), ni colloques ni symposiaques ; pas de vue sur mer, pas de monuments, pas de théâtres, arènes ou stades, opéras bling, pas d’arts ni d’essais (quoique), spectacles, trompe-l’œil, installations, parcours, aires, in, out, off. Curieusement, le seul fait de partir, peu importe où, activera le circuit de la récompense, alors les axones des neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale se projetteront sans réfléchir vers le noyau accumbens et il n’y  aura plus qu’à se baigner dans l’aire temporale. En dépit des apparences les choses sont allègres et simples lorsque les lendemains sont ailleurs.





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Commentaires

  1. Demandons juste une autorisation exceptionnelle pour promenade, comme tous les ans, à Arles, et pourtant il,y a tout ça que vous dites. N'avez vous point de lapin pour consommer une partie du compost ?
    Bonnes vacances Dominique

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  2. La Creuse est une idée de destination à creuser pour des vacances dignes de ce nom.
    ----> je sors ^^
    bonne route !

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  3. Partir, c'est rouler un peu. La destination n'est pas le principal, le parcours lui dispute souvent l'intérêt. Même le voyage en chambre peut être risqué.

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  4. Ou, alors, on ne partira pas... (quoique).

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