La lecture augmentée
C'était en lisant un livre, un vrai, à dos carré collé. En butant sur un mot il se surprend à faire le geste, à peine réprimé, de chercher le dictionnaire avec le doigt. Un réflexe «liseuse» pense-t-il aussitôt. Certes, le Petit Robert n'était pas à portée de main mais de là à avoir ce mouvement automatique... Alors c'est un trouble qui s'est installé, mi-rire, vague inquiétude, sourire, malaise.
Il se rappelle s'être procuré cet appareil il y a plus d'un an (et plus, aussi, que par simple curiosité), et c'est déjà une liseuse de «première génération», équipée tout de même d'un dictionnaire intégré. À l'usage il lui est devenu fréquent de consulter celui-ci lorsqu'un mot échappe à la compréhension. Un clic (ou plutôt deux ou trois, l'appareil étant ancien — un an = un siècle, en l'espèce — sa manipulation est carrément archaïque) et la définition apparaît: commodité extraordinaire ! Cet engin est arrivé entre ses mains à la promesse fantaisiste d'y loger un contenu de grands Classiques pour la plupart non encore lus, faute de temps ou d'envie. Mais emporter avec soi en vacances l'intégrale des Rougon-Macquart et des nouvelles de Maupassant est un argument de vente sous forme de plaisanterie.
Il a commencé par relire quelques plaisirs anciens comme Verne ou Proust (excellente édition, au passage), bien que les ayant déjà — pour ne citer qu'eux — dans une version papier, lus et relus. Mais il est vrai que la fin de la Recherche appelle, indéfiniment, une relecture
La situation était donc d'emblée curieuse; d'un côté cette liseuse potentiellement emplie de 2 Go de livres, soit un ou deux mille d'après la publicité (!), de l'autre une bibliothèque papier qui, sans être pléthorique, contient tout ce qu'un lecteur moyen peut lire en quelques dizaines d'années (et qu'il aurait conservés). Et un va et vient entre les deux, au gré des livres qui s'échangent, se donnent, se prêtent (prêter ou donner un livre électronique dont on a acquis les droits est excessivement simple; la légalité de la chose, au vu des conditions, par exemple celles-ci n'est pas vraiment certaine, tant pis. Il attend le courrier qui le désignerait comme hors-la-loi avec sérénité. N'avons-nous tous pas donnés, et reçus, tant et tant de livres papier ?)
D'ailleurs, il n'est pas question d'abandonner les livres papier. Pour l'instant, les sites institutionnels de cette modernité (celui-ci, par exemple...) vendent fréquemment l'objet sous les deux espèces. Sans doute pour ne pas froisser les nostalgiques ou les handicapés de l'innovation, ou les collectionneurs voire les spéculateurs, comme lors du passage à l'Euro. Et puis il y a le plaisir du dialogue avec un libraire en chair et en os si l'on peut dire, et qu'il espère encore plus en chair qu'en os, et pour longtemps (il est beaucoup trop sentimental, de toute façon il les fréquente de moins en moins).
Mais la question est que, critique de l'appareil étant déjà faite (son ergonomie, son choix de polices, sa souplesse etc.) et les auteurs qu'il véhicule entendus, anciens ou modernes, les modernes rajoutant de la mobilité au texte — liens, images, sons, autour et dans un texte éventuellement en déplacement, mais texte toujours, il y a d'ailleurs des précédents glorieux, rien de vraiment nouveau donc sinon la masse impressionnante d'«auteurs», parfois agréables — reste ce constat du réflexe acquis, et il estime peu probable un retour en arrière.
Alors il va vers son écran pour décrire le phénomène. Et grâce à un logiciel astucieux il adapte son texte à sa liseuse, s'aperçoit que les liens qu'il a insérés sont illisibles avec son matériel actuel, décide d'en changer dans une vie ultérieure c'est-à-dire, au train où vont les choses, après-demain.
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Il se rappelle s'être procuré cet appareil il y a plus d'un an (et plus, aussi, que par simple curiosité), et c'est déjà une liseuse de «première génération», équipée tout de même d'un dictionnaire intégré. À l'usage il lui est devenu fréquent de consulter celui-ci lorsqu'un mot échappe à la compréhension. Un clic (ou plutôt deux ou trois, l'appareil étant ancien — un an = un siècle, en l'espèce — sa manipulation est carrément archaïque) et la définition apparaît: commodité extraordinaire ! Cet engin est arrivé entre ses mains à la promesse fantaisiste d'y loger un contenu de grands Classiques pour la plupart non encore lus, faute de temps ou d'envie. Mais emporter avec soi en vacances l'intégrale des Rougon-Macquart et des nouvelles de Maupassant est un argument de vente sous forme de plaisanterie.
Il a commencé par relire quelques plaisirs anciens comme Verne ou Proust (excellente édition, au passage), bien que les ayant déjà — pour ne citer qu'eux — dans une version papier, lus et relus. Mais il est vrai que la fin de la Recherche appelle, indéfiniment, une relecture
La situation était donc d'emblée curieuse; d'un côté cette liseuse potentiellement emplie de 2 Go de livres, soit un ou deux mille d'après la publicité (!), de l'autre une bibliothèque papier qui, sans être pléthorique, contient tout ce qu'un lecteur moyen peut lire en quelques dizaines d'années (et qu'il aurait conservés). Et un va et vient entre les deux, au gré des livres qui s'échangent, se donnent, se prêtent (prêter ou donner un livre électronique dont on a acquis les droits est excessivement simple; la légalité de la chose, au vu des conditions, par exemple celles-ci n'est pas vraiment certaine, tant pis. Il attend le courrier qui le désignerait comme hors-la-loi avec sérénité. N'avons-nous tous pas donnés, et reçus, tant et tant de livres papier ?)
D'ailleurs, il n'est pas question d'abandonner les livres papier. Pour l'instant, les sites institutionnels de cette modernité (celui-ci, par exemple...) vendent fréquemment l'objet sous les deux espèces. Sans doute pour ne pas froisser les nostalgiques ou les handicapés de l'innovation, ou les collectionneurs voire les spéculateurs, comme lors du passage à l'Euro. Et puis il y a le plaisir du dialogue avec un libraire en chair et en os si l'on peut dire, et qu'il espère encore plus en chair qu'en os, et pour longtemps (il est beaucoup trop sentimental, de toute façon il les fréquente de moins en moins).
Mais la question est que, critique de l'appareil étant déjà faite (son ergonomie, son choix de polices, sa souplesse etc.) et les auteurs qu'il véhicule entendus, anciens ou modernes, les modernes rajoutant de la mobilité au texte — liens, images, sons, autour et dans un texte éventuellement en déplacement, mais texte toujours, il y a d'ailleurs des précédents glorieux, rien de vraiment nouveau donc sinon la masse impressionnante d'«auteurs», parfois agréables — reste ce constat du réflexe acquis, et il estime peu probable un retour en arrière.
Alors il va vers son écran pour décrire le phénomène. Et grâce à un logiciel astucieux il adapte son texte à sa liseuse, s'aperçoit que les liens qu'il a insérés sont illisibles avec son matériel actuel, décide d'en changer dans une vie ultérieure c'est-à-dire, au train où vont les choses, après-demain.
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Ah oui, d'accord... (j'ouvrirai les liens tout à l'heure).
RépondreSupprimerPhoto : tu as téléchargé Dans le labyrinthe ?
toujours prendre les trains en marche...
RépondreSupprimeret par ailleurs adhérer au descriptif de l'usage de l'objet
Le dictionnaire...j'aime encore feuilleter, par exemple le Littré mais par paresse il m'arrive de plus en plus souvent de cliquer sur le mot, à l'écran, pour lancer le dictionnaire en ligne ou sur l'ordinateur. Un geste nouveau que je ne pratique pas encore sur l'écran du mobile. Comma quoi nos habitudes changent au rythme de nos conservatismes mal ou non définis.
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