Métro, boulot mais pas dodo
15 juin, une ronde dans l'air, un échange de blog à blog : le premier écrit chez le deuxième qui écrit chez le suivant :
Mine de rien - la distance au personnage- le blog graphique - un promeneur - quotiriens - loin de la route sûre - Mine de rien.
Ainsi tourne la ronde, sur un mot : hôtel(s).
Prochain rendez-vous le 15 septembre.
...
Éliminés d’un
revers de plume l’Hôtel des Impôts, de Ville, de la Poste, Belle Vue, Beau
Rivage…dans quelle impasse me suis-je fourrée en acceptant ce thème qui, je
dois bien l’avouer, nourrit mon imaginaire mais comment dire sans se dédire et
comment s’en sortir sans prendre la poudre d’escampette ? En allant rendre
visite à mon voisin Christophe, veilleur de nuit dans un hôtel du 10ème
arrondissement à quelques enjambées de la Place de la République. Quelle drôle d’idée de faire son
Tintin malin ! Il faudra rédiger et se souvenir combien les mots sont
capricieux.
À 21 heures je franchis le seuil baigné d’une
lumière chaude, carnet à la main, appareil photo en bandoulière. Des affiches
de Matisse, Modigliani, Van Dongen, Chagall sont accrochées sur les murs de
l’entrée. Celles de Dali, Fernand Léger et Piet Mondrian ornent le salon, quant
aux murs de la petite salle à manger, ce sont des photographies anciennes qui
nous interrogent. Pas de doute, nous sommes à Paris, les expositions y sont
nombreuses et le patron aime l’art. Face à l’entrée un bel escalier au tapis
rouge dessert une quarantaine de chambres, cosy diront certains, sur six étages.
Il en impose
Christophe derrière le comptoir où sont alignés un écran de surveillance relié à des
caméras, un écran de réservation, un écran internet et les trois imprimantes,
téléphone, fax. Il est chef d’orchestre (de
l’absurde) les machines obéissent (pas toujours) au doigt et à l’œil :
ça sonne, ça édite, ça crépite, ça grince, ça frotte, ça siffle, ça craque et
parfois ça ronfle. Il pointe, classe, répond au téléphone, un gros travail
administratif. Une fois terminé, il lui restera peut-être du temps entre 23h et
2h du matin pour travailler son master
de littérature moderne mais ce soir il
est fatigué et Jane Austen attendra encore un peu. Ce que Christophe préfère,
c’est l’autre, l’humain, celui qui le soir venu viendra échanger quelques
apparentes banalités, celle qui lui confiera la déception d’un rendez-vous
manqué ou cet habitué qui lui montrera ses dernières photographies. La nuit les
langues se délient, le vague à l’âme affleure, Christophe est une oreille
respectueuse et bienveillante. « Le métier n’est plus ce qu’il était, me
dit-il, les centrales de réservation ont pris presque tous les marchés, le
profit, la rentabilité, la mondialisation entravent la relation humaine. Il
m’est arrivé autrefois d’accueillir l’hiver des clochards ou autres personnes
en détresse, maintenant je ne peux plus le faire même s’ils en ont les moyens. Il
faut respecter une conformité, attitude
et vêtements sous l’œil omniprésent de la caméra »
Pendant ce temps-là,
j’observe le va-et-vient des touristes, étrangers pour la plupart. Je les
entends chuchoter en anglais, russe, italien ; une femme japonaise
s’approche de nous pour remplir sa théière d’eau chaude. Une porte claque,
l’ascenseur bourdonne et le silence se fait. « Les mauvaises
transmissions d’informations d’une équipe à l’autre conduisent parfois à une
situation gênante, dit Christophe, par exemple celle où je fis visiter une
chambre à un client et me trouvai
nez à nez avec un couple en train de s’aimer. Plus agréable fut
celle où j’apportai le petit déjeuner à une cliente, surprise, son peignoir
glissa à terre lorsque j’ouvris la porte. Un acte manqué précise-t-il.
- Oui ! Oui ! »
Chut ! Il ne me dit pas tout !
23h30, Christophe
abaisse les volets roulants de l’accueil et du salon, éteint les lumières, les
veilleuses sont en place. Il installera un peu plus tard un lit de camp à
l’abri des regards et sommeillera
jusqu’à 5h à l’arrivée du
boulanger.
Danielle Grekoff (texte & image)
...
Le livre d'or de l'hôtel doit en valoir son pesant !
RépondreSupprimeroui, et pour Christophe peut-être de quoi faire tout un roman ? Mais il écrit certainement des chansons : je lui dirai des mots bleus, etc. Il me semble l'avoir reconnu, même s'il n'est pas très ressemblant
RépondreSupprimerDominique...des signatures du monde entier, c'est troublant. Merci à vous pour votre accueil.
RépondreSupprimerLouise...Ouh ! Un travail de longue haleine
Le veilleur de nuit, le machiniste, mécanicien des trains- trains des voyageurs de passage, chasseurs de moments, portes ouvertes où pourraient s'engouffrer leurs volontés d'être.
RépondreSupprimerPatrick.verroust...Résistons, diraient certains !
RépondreSupprimer