Les soleils
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«Je ne peux plus travailler. Je suis un homme dont la tête s'est éblouie. Quand je veux fixer ma pensée sur une feuille de papier, je ne vois plus que des soleils. Il faudrait écrire entre les soleils, mais ils ne laissent aucune place, le papier d'une blancheur incandescente est comme un tissu féérique où l'encre se noie. Le soir pourtant, quand les couleurs commencent à devenir ternes et grises, quand les corbeaux rentrent de leur journée de travail le bec chargé de vers pour leurs petits, je vois dans le paysage des taches qui s'animent, se déplacent subrepticement à la faveur de l'ombre naissante, et mes yeux trouvent enfin un alibi à leurs crimes. Je prends une feuille et j'écris à ma fiancée, celle d'au-delà de la mer, qui balaie la petite boutique d'horloger, où elle travaille, m'envoyant parfois un ressort, comme une pensée grise. Nous nous aimerons vraiment quand il n'y aura plus de mer entre nous, et là ventre à ventre, comme des coquillages, nus et archaïques, nous nous ferons ce dernier sourire qu'on envoie avant d'aller pleurer dans sa cabine sur les quais des départs.»
Pierre Bettencourt, Mille MORTS, Castellare-di-Casinca, 2004, Éditions Lettres Vives, coll. Entre 4 Yeux, p. 10.
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Pendant ce temps-là, au fil des pages à venir, s'exposeraient quotidiennement les images d'un paysage identique, à la merci des aléas climatiques et de l’œil distrait. Et puis, tout au fond du jardin, la très lointaine et très rotative petite musique des jours.
Cette localisation undefined illustre bien "tout change et rien ne change". Photos magnifiques.
RépondreSupprimerVous avez donc traversé cette nuit, incroyablement sombre...
Supprimer(... de cette nuit, on sort essoré)
SupprimerC'est très beau.
Bettencourt et le pré-carré du vivre..Quelle page, coquille du quotidien, bravo!
RépondreSupprimerUn auteur, deux vues !
SupprimerC'est très beau, le texte, et les illustrations sorties de la féérie qu'engendre la nature. A part la cinquième photo dont la noirceur pourrait elle aussi paraître éblouissante une fois sortie de son cocon nocturne
RépondreSupprimerAu jugé, avec les repères brillants de la nuit.
SupprimerPetites musiques des jours ou du jour (dans ses éclats de lumières) assorties aux mots, et aux impressions dans la mémoire
RépondreSupprimerdes parcelles, en somme
Supprimertel Claude Monet sur un site maintes fois êtes venu, le mystère subsiste.
RépondreSupprimermystère habité ?
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