Les messagers (II)

Il y a des araignées dans la cave.

Il y en a aussi dans le grenier.

Pourtant, on n'en voit pas dans le reste de la maison, sauf — rarement — lorsque l'on déplace un meuble, rajuste un miroir, ou encore en passant l'aspirateur. Elles galopent alors d'un endroit obscur vers un autre, un recoin, une fente, un trou, et c'est une rapide et zigzagante diagonale à travers le tapis, en direction d'un abri inaccessible à l’œil. Au nôtre en tout cas. Mais le reste du temps, point. Le nettoyage ne dérange que des recluses, des franc-tireuses, de mélancoliques exilées; et la première flambée d'automne n'attire, paresseusement, que d'immenses et tremblotantes vieillardes frileuses.

Comment se fait-il qu'elles vivent ainsi en deux groupes distincts, sans contacts, sans besoin de se voir, frôler, copuler, combattre, que sais-je. Dans toute autre société les escaliers de la maison seraient une autoroute, les faux plafonds un lupanar, les plinthes un garde-manger ou une armurerie, ou les deux en même temps.

Certains poètes ont eu l'idée que c'est la nuit, lorsque l'on dort, que les choses s'animent. Les araignées seraient des veilleuses muettes. Yeux ouverts, elles tisseraient nocturnement les fils de nos rêves. C'est une belle hypothèse, mais la vérité est bien plus simple. Les araignées s'ignorent par manque total de curiosité et de considération mutuelles. Nous seuls, occupants bipèdes de la maison, leur tenons lieu de lien social, tandis que nous montons chercher une valise, ou descendons le sac de pommes de terres. Serions-nous porteurs de signes, à nous seuls invisibles; ignorants mais utiles, en quelque sorte ?

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- des mots sur Penone

- des mots sur Latone

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