Entre les ondes



avant-propos (aide-mémoire)

J'écrivais précédemment, à propos de photos, non pas mal cadrées, mais cadrées autrement que je l'aurais voulu, cadrées pour ainsi dire à l'avenant, à la va-vite (j'écrivais «cadrages approximatifs»), que l'essentiel était «autour» (des photos). C'était une erreur, une distraction. Bien entendu je ne modifie pas, ce qui est écrit sur la toile ne doit pas être effacé, je ne me révise pas, ce serait trop facile et surtout improductif, mais j'aimerais me corriger.
L'essentiel, à mes yeux, est entre les photos; c'est le geste entrepris qui lie les photos entre elles, et n'a rien à voir avec le déclenchement, lequel, pour peu que l'on se déplace correctement, n'a pas plus d'épaisseur que l'automatisme d'un battement de cœur, une péripétie dont on ne se rend même pas compte. Ce déplacement, cette marche, la conversation avec soi-même qui l'entoure et qui, quand on serait accompagné, et de belle façon, ne peut être que solitaire, cet «entre-antre», n'est rien d'autre (et rien de moins) que le travail de reconstruction de la mémoire, la tentative de faire se recoller des bribes, ces paperolles arrachées par le vent de la vie.
(Puisque la plupart du temps ces bribes nous ont échappé, ou bien celui qui pourrait nous aider à recoller les morceaux est absent, introuvable ou disparu.)


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Maguelone est une île volcanique poussée sur le littoral de l'Hérault il y a quelques millions d'années, entre l'étang de l'Arnel et celui du Prévost. Ceux-ci en ont conçu des rides au coin des yeux.


À Maguelone il y a d'abord un panneau indicateur immergé qui donne la direction de n'importe où, les yeux fermés, pour même pas un rond dans l'eau.
À Maguelone la cathédrale, dont l'accès contourne le chevet, est annoncée par un paon leucistique décapité, auquel répondent des représentations de Saint-Pierre et de Saint-Paul en bleu et jaune, comme si Gauguin était passé par là en compagnie d'Antonin Artaud.
À Maguelone les vitraux, colorés de même, ont leur propre musique répétitive en larges vagues contenues verticalement, avec pour conséquence le plaisir de se mouiller dans la géométrie.
À Maguelone la nef, surmontée d'une profonde tribune, comme superposée, a pour vertu cardinale de ne pas émietter le son produit par les vitraux, ce qui fait qu'on l'enregistre aisément.
À Maguelone je n'ai pas vu de tronc dans la cathédrale, probablement dans le but de ne pas laisser prise à la reconstitution historique d'un pillage vandale.
À Maguelone il y a une vigne dont le vin ressemble à celui que l'on boit dans les îles grecques, le même don de taper sur la tête quand le soleil tombe.
À Maguelone il y a un centre d'aide par le travail (ESAT) où des hommes et des femmes essayent de recoller des morceaux d'eux-mêmes, avec l'aide d'autres gens dont les brisures sont moins douloureuses, ou plus supportables.












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Commentaires

  1. Le hors-champ n'est souvent pas loin du "horla".
    L'immémoriel s'imprime à tour de rôle (en mode proustien).

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  2. à la va-vite, ainsi va-la-vie

    ces images, en diptyque ou pas sont superbes, à la mesure du lieu

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  3. ... et cette petite campagne qui nous dit son doux tourment.
    (très beau ton avant-propos)

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  4. (merci pour vos passages respectifs)

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