Mettre la main aux apparences (2/2)
Ce billet est publié dans le cadre des Vases Communicants, une idée de François Bon et Scritopolis : «chaque premier vendredi du mois, chacun écrirait sur le blog d’un autre...»
Plaisir, aujourd'hui, de recevoir Dominique Hasselmann tandis que j'interviens sur son blog Métronomiques.
...
Quand cet ami me proposa le prêt
pour un mois de sa maison située au Tréport (Seine-Maritime), j’en fus très heureux.
L’idée de partir, de quitter l’agitation parisienne, de laisser tomber mon blog
quotidien durant cette période, de me réfugier dans un lieu solitaire, et
d’honorer la commande d’un roman (ce qui est rare) que m’avaient passée Les Editions du goudron, se mêlaient
harmonieusement pour que j’accepte sur-le-champ une si aimable invitation au
voyage.
Le 2 juin, après un trajet assez
peu rapide en TER (onze arrêts et près de quatre heures), je m’installai alors
dans ce havre de repos et de travail, qui était équipé de la WiFi, et je
respirais déjà à pleins poumons l’air vivifiant de la mer.
La maison présentait une
physionomie « à l’ancienne » qui me ravit d’emblée. Son nom de Coup de vent aurait pu faire un titre de
livre mais il me sembla assez peu décoiffant. Par contre, j’aimais que le
funiculaire passe juste derrière elle, comme une survivance de certains moyens
de transports anciens qui avaient résisté au laminage du progrès.
Le soleil crachait un feu pâle,
cela me convenait, et la plage était pour le moment déserte, comme ma page.
Je surfais sur Internet pour
obtenir quelques renseignements supplémentaires sur la ville où j’étais hébergé
quand soudain mon attention fut attirée par celle de Cayeux-sur-Mer, située seulement à une
vingtaine de km dans la baie de Somme – « on y dort très bien, mais c’est
à l’hôtel ! », m’avait indiqué le munificent prêteur sans gages – et
la mention, parmi les « célébrités » du coin, de Colin de Cayeux, un des compagnons de François
Villon.
Or, mon père avait écrit
plusieurs livres sur les conteurs du Moyen-Âge et quelques petits
« classiques » chez Larousse et Hatier, dont un sur Rutebeuf, Charles d’Orléans, Villon
(1958).
Je téléphonai à mon fils pour lui
demander de rechercher l’exemplaire dans ma bibliothèque, afin de me lire
l’introduction qui concernait l’auteur de la fameuse Ballade des pendus : « Frères humains qui après nous
vivez… ».
Dans ce passage, Jules Hasselmann citait à deux
reprises le personnage qui m’intéressait à distance :
« Vers la Noël 1456, il vole
un coffre plein d’or déposé dans la chapelle du collège de Navarre. Ses
complices étaient Guy Tabarie, Colin de Cayeux et le serrurier Petit
Jehan. Villon éprouve le besoin de changer d’air : il se donne un
alibi dans le Lais. Prétextant un chagrin d’amour, il part pour Angers. En
réalité, il voulait étudier un coup à faire. En juin 1458, Guy Tabarie, arrêté,
passe des aveux, dénonce Villon.
Pendant cinq ans, Villon mène une vie nomade. Peut-être colporteur,
« pauvre mercerot de Rennes », il semble affilié à une bande de
malfaiteurs, « la Coquille », dont faisaient partie ses amis Régnier
de Montigny et Colin de Cayeux. (…) » (page 43)
Mais je trouve des informations plus détaillées sur le dernier cité, et je me m’imagine mal, pour
tout dire, nager dans le roman historique.
La maison où je loge est étroite,
j’apprécie son architecture anguleuse et minimaliste, et j’adore grimper
l’escalier qui mène à la petite chambre. Le soir, j’entends le vent
« titré » à bon escient, et le funiculaire s’arrête à une heure
honnête. La rue est très peu fréquentée.
Malgré mes promenades au bord de
la mer dans la journée, je fais souvent des rêves bizarres pendant la
nuit : j’aperçois mon père, je crois reconnaître Villon, je devine Colin
de Cayeux, je côtoie des pendus et des
trépassés, comme si je voulais mettre la main aux apparences.
Finalement, sur mon ordi, j’ai
commencé une toute autre histoire (il faut que je tire profit de ce séjour au
Tréport car j’ai un roman à rendre) :
un yacht blanc, de taille moyenne, part vers le grand large et une destination
inconnue sans que l’on sache s’il y a vraiment quelqu’un à bord.
texte : Dominique Hasselmann
photo : Dominique Autrou
Il n'y a plus qu'à souhaiter bon vent au yacht blanc.
RépondreSupprimer@ François Le Niçois : Si c'est par "plein soleil"...
SupprimerÉcriture nomade et fenêtre sur l'inspiration.
RépondreSupprimerQu'elle soit pour vous généreuse et luxuriante, cher Dominique...
@ Louise imagine : cette maison, j'aimerais pouvoir l'acheter !
Supprimerc'est en face que c'est à vendre...!
SupprimerUn coup de vent de l'Histoire pour quelqu'un qui habite à proximité du gibet de Monfaucon.
RépondreSupprimer@ Robert Spire : heureusement, ce gibet n'existe plus... et vous avez dû voir que Colin de Cayeux fut exécuté en ce lieu (maintenant place du Colonel-Fabien) en 1460, pourtant il n'était pas membre du PCF.
RépondreSupprimerQuand j'habitais avenue Richerand, j'allais souvent passer mes nuits chez ma future (Une belle qui a réussi à me passer la "corde au cou") qui résidait en haut de la rue de la Grange Aux Belles..... En ce temps-là, mon père faillit mourrir à l'hôpital de Monfaucon dans le Lot. Donc ce gibet et ses infortunés pensionnaires ont hanté mon esprit, surtout quand j'appris qu'un charnier fût découvert au 57 rue de la Grange-aux-Belles pendant les travaux d'un bel ensemble d'immeubles où justement habitait ma belle-famille....
Supprimer@ Robert Spire : se méfier de la Grange -aux-Belles, son nom est trompeur !
Supprimerrendre le lieu, l'histoire, le roman et la page : bien rendu, bien lu
RépondreSupprimer@ louise blau : une histoire avec un petit "h"...
SupprimerTous les ingrédients sont là, reste la fameuse alchimie, sinon, tout va s'envoler et adieu le merveilleux roman...
RépondreSupprimer@ gballand : Nicolas Flamel est attendu à l'accueil.
Supprimer... la maison est bien ancrée... bon vent, Dominique !
RépondreSupprimer@ Gilbert Pinna : il faut dire qu'elle a été bien dessinée...
SupprimerL'avantage de se retirer dans un "havre" de tranquillité au bord de la mer, c'est qu'on peut imaginer d'en repartir, à bord d'un yacht blanc, en direction d'un ailleurs encore plus éloigné !
RépondreSupprimer@ Giovanni : quand l'imagination met les voiles (ou le moteur)...
SupprimerC'est un vrai plaisir que de lire ces histoires écrites par deux mains si différentes à partir d'une même image. Cette maison singulière battue par les vents, inspirant vos imaginations ou stimulant vos émouvants souvenirs, doit être fière de l'intérêt que vous lui avez porté.
RépondreSupprimerCela nous donne une grande envie de connaître la suite de l'histoire, ou de lire ce roman océanique en gestation.
@ Marie-christine Grimard : ce roman est une pure fiction (pléonasme ?)... mais une maison au bord de la mer doit donner forcément l'envie de la quitter, ce qui est aussi un paradoxe !
SupprimerBel échange! Et vivent les Editions du Goudron (sans les plumes ?)
RépondreSupprimer@ Zoë Lucider : pour leur version numérique, oui !
Supprimerla page comme une plage : blanche et beige, y écrire sans aux sables mouvants laisser trop d'empreintes... Ainsi ton père aussi
RépondreSupprimer@ Anonymous : oui, avec des "petits classiques" comme des petits cailloux...
SupprimerAh... où l'on apprend que le papa aussi !
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