La dernière tentation
Que voyez-vous, ici, s'agirait-il d'un livre ? me demande une dame attentive, la tête en l'air devant la statue au bec silencieux.
C'est le jardin de la Dhuys, le domaine de Jacques Servières. Six bons kilomètres de marche depuis la gare d'Esbly, et des formes apparaissent graduellement au détour d'une boucle de la Marne. Un, deux, trois blocs de pierre en cours de travail, et puis tout un bestiaire fantastique en perpétuelle évolution depuis plus de vingt-cinq ans. La promenade m'est familière, qui serpente entre le canal de Chalifert et l'ancienne voie ferrée de la ligne de Strasbourg, désormais rendue pour une bonne part au trafic des Transiliens. Ce dimanche il y en a peu, parfois un train de marchandises qui sirène à l'approche du tunnel perçant la joliment nommée Côte-St-Jacques. La canal aussi a son propre tunnel, j'y reviendrai probablement lundi prochain car c'est un autre monde, et le long de ces mondes-là il y a un fil qui nous réclame.
À cet instant je ne sais pas encore qu'il s'agit de mon avant-dernière photo. Un peu plus loin l'appareil a lâché, il a rendu l'âme juste après celle-ci :
En disant qu'il a rendu l'âme j'ai pesé mes mots, ce n'est pas une expression toute faite. Cet appareil était comme un partenaire, sans lui ce blog n'existerait pas. Ses cicatrices étaient presque les miennes. Évidemment il y en aura bientôt un autre, certainement plus performant. Mais ce genre d'objet ne se mesure pas seulement à la performance, ce n'est pas un téléphone ou un ordinateur. Il avait d'ailleurs dépassé depuis longtemps l'échéance que les industriels nous promettent par cette horrible expression d' « obsolescence programmée ».
En revanche, dès les premiers pas sur le chemin du retour et avec une joie sans doute visible, je ne suis pas mécontent que cette ultime photographie soit celle de cet extraordinaire bas-relief. Apparemment, si je me fie à son emplacement, l'une des premières oeuvres de Servières. Cette femme allongée me rappelle avec force, jusque dans la brisure du bloc, la Tentation d'Ève qui était sur l'un des portails de Saint-Lazare d'Autun, dans cette région où les images et les symboles se jouent de notre entendement avec un plaisir cardinal. Et mon imagination, bien sûr, prend un tour sympathique.
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Il avait une belle âme et son dernier soupir est très beau
RépondreSupprimerDe ce point de vue, on lui reconnait une certaine élégance.
SupprimerIl était canon et a lancé une jolie salve finale !
RépondreSupprimerOui, compagnon fidèle, ce petit appareil photo, et pratique : tes promenades en sont restées gravées dans l'écran, comme des sculptures virtuelles.
Son successeur arrivera vite à sa hauteur et le dépassera même (si c'est possible).
Surtout si la promenade reste semblable !
Oui, l'essentiel est de garder un oeil sur l'objectif ;)
SupprimerVotre œil le guidait et il encadrait votre regard, cette alliance nous enchantait. Quel beau bouquet final ! Merci de nous partager son dernier souvenir avec cette émotion :-)
RépondreSupprimerMerci de votre passage, heureux de vous lire ici
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