Le monde merveilleux des instruments à vent (reprise) - les instruments oubliés
Ce billet est la reprise d'un article paru dans feu le blog de Dom A. (à l'époque chez le monde.fr « propulsé par wordpress ») le 16 septembre 2008. Contrairement à ce que son titre pourrait laisser supposer, il ne s'agit pas d'une notice politique. Quoique, faute d'idée nouvelle et histoire de meubler, nous sommes bien dans l'air du temps. Mais en l'occurrence, par métonymie seulement.
Le chantoiseau
Connu dès l’antiquité (Carcinos le Jeune en fait mention dans un texte
aujourd’hui disparu), il était composé d’un étagement de petits tubes,
céramique ou verre, de différents diamètres. La gamme des sons produits allait
du médium au suraigu. Un souffle très léger étant suffisant pour le faire
chanter, il était très utilisé lors des tragédies où l’on parlait bas.
Cependant lorsque le vent forcissait, il arrivait que le sens de la pièce en
fût modifié; on parlait alors de chantoisement directif. À la fin du
XIXème siècle, quelques scientifiques parvinrent à l’électrifier (cf photo)
afin d’amplifier ses sons naturellement trop ténus. Ce fut un échec, car les
fils électriques produisaient eux-mêmes des sons parasites qui agaçaient un
public devenu formellement exigeant. Vers le milieu du XXème siècle, il vit un
bref regain d’intérêt au travers de pièces intimistes hélas trop peu connues ;
notons en sus qu’il n’en reste aucune trace, les compositeurs ayant eux-mêmes
détruit leurs partitions au cours de happenings discrets. Le chantoisement
aléatoire avait néanmoins fait long feu. (illustration:
collection personnelle)
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L'infrabasson
Développé sur une idée de Jules Verne, il avait pour but de produire un
réel ébranlement lors des symphonies édifiantes. Il était alimenté par de
puissantes chaudières à charbon souterraines. L’effet était prodigieux mais
nécessitait une mise en oeuvre rigoureuse. Les ordres du chef étaient dirigés –
via un lieutenant dont la qualité première devait être l’anticipation –
vers une cave profonde d’où l’infrabassiste actionnait promptement
les manettes, afin que la vapeur d’eau sous pression vienne faire vibrer une
anche double en acier épais mais souple. Dès l’instant, le sol tout entier
tremblait de façon terrifiante, versant la sensibilité des spectateurs dans un
effroi incomparable. Hélas les coûts d’exploitation s’avérèrent excessifs, un
seul instrument construit, une unique symphonie exécutée (dans l’enceinte de
l’école vétérinaire de Maisons-Alfort). Quelques chefs d’État personnellement
fortunés eurent bien vent de cette idée géniale, pressentant l’immense gloire
dont ils pourraient tirer profit auprès des foules admiratives lors de
l’exécution des hymnes nationaux (ou des exécutions tout court). Ils
intriguèrent – de concert – et l’inventeur, rongé par le remords, se suicida un
jour de grand vent en se précipitant dans le gigantesque fourneau, encore
brûlant. On pense qu’il avait les plans sur lui.
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Le Montgolfion
Voici – pour clore provisoirement la série – l’un des plus délicats, des
plus malicieux instruments de musique que l’esprit humain ait conçu.
Malheureusement, l’Histoire a coupé court (ce fut vraiment le cas de le dire), et ce prometteur engin est
définitivement tombé en désuétude. Fait de papier pour l’essentiel, cousu de
fils blancs comme son filet protecteur, toute son ingéniosité consistait en la
contention conflictuelle d’airs de températures donc de densités adverses qui,
au gré du réchauffement progressif du plan d’eau sur lequel il évoluait et
grâce à une soupape sommitale d’une simplicité enfantine (une vulve en vessie
de porc), proposait au fil de la journée et en fonction de l’ensoleillement,
des sons extraordinairement mélodieux, changeants et infinis. Un seul bassin
pouvait accueillir six, huit ou douze de ces montgolfions (on utilisa
rapidement le diminutif « golfion »), ce qui laisse rêveur quant aux
possibilités mélodiques dans un vaste jardin. Ce n’était paraît-il qu' « enchantement
perpétuel ». L’illustration montre un exemplaire unique, seul survivant,
conservé au parc de la roseraie de l’Haÿ-les-roses.
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