Sinuosités
Il y a quelques jours, ou quelques nuits, un (ou une ?) pop-up : « Aujourd'hui c'est l'anniversaire de Annie A. » et puis dans la seconde qui suit, un mail, ayant pour expéditeur Facebook : « C'est l'anniversaire de Annie A. Souhaitez un bon anniversaire à Annie A. »
Ainsi celle qui depuis tant de mois, tant d'années, je ne savais plus exactement, occupait la majeure partie de mes nuits et les interstices de mes jours, celle qui avait la main sur mes humeurs, mon appétit, mes petits riens ; celle qui souvent, telle une déesse antique, avait le pouvoir de prendre la silhouette d'une passante, faire danser une chevelure, imiter l'intonation d'une voix dans une conversation : une voyelle plus haute que l'autre, un accent vaguement méditerranéen, une tonalité fugace, l'irritation d'une forme ; celle qui parfois même, suprême audace, venait accompagner pour une seconde ou deux le mouvement d'un mélange complice ; celle qui enfin se glissait à l'impromptu dans mes doigts pour, l'air de rien, changer le cours d'une phrase sur le clavier, divaguer d'une expression l'autre, infléchir mon discours ; celle-ci donc, cette magicienne, cette muse, à la disgrâce d'un mail insipide se révélait n'être, en définitive, qu'une simple mortelle.
Dans la nuit qui suivait, au fur de ma chute ralentie dans un rêve asphyxiant passaient devant mes yeux les fenêtres d'un monde révolu, des instants de clarté en forme de baies vitrées avant le choc programmé, ouaté du réveil. Les épisodes anciens, tristes ou frivoles, les conflits, les petits arrangements, les victoires, les entre-deux du bonheur, tout ce que la mémoire, dans sa paresse instituée par la nécessité de vivre, avait commué en une tristesse générale dans laquelle il serait dangereux de mettre le nez, l'intégralité de ce film — un peu usé par endroits, à proximité du building composé d'un défilé de souvenirs, apparaissaient comme l'âge d'or d'une liberté grande, considération étant faite du monde de plomb que l'avenir, de toute évidence, nous plaquait d'ores et déjà sous les yeux, jusqu'à y pénétrer, jusqu'au meurtre, fût-il celui de la raison.
Il ne serait pas inutile, désormais, de suivre les douces et puissantes correspondances de l'esprit, les seules, hélas, qui resteraient vivaces et pour ainsi dire autorisées, mais pour combien de temps encore...
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Elle aurait pu avoir aussi d'autres initiales : I. A. (imagination automatique).
RépondreSupprimerOu bien O. O. (ouverture de l'objectif).