carte et figures
Aussi curieux que cela puisse paraître, j'allais arrachant des chemises dans le jardin, ou peut-être repassais-je des pissenlits, je ne sais plus, en tout cas il y avait pléthore de fleurs, un effet de la saison probablement, quand une vapeur a soudain envahi le couloir qui mène à l'escalier, escalier qui lui-même mène à l'étage, étage où se trouve un corridor lui-même entouré de trois portes rigoureusement verticales, de deux fenêtres (dont l'une donnant sur la rue, histoire de conserver une vue sociale) et d'un regard horizontal vers le grenier (mais sans escalier pour y accéder, une échelle mobile étant par ailleurs disponible à cet effet), enfin bref, me dis-je dans un premier temps, c'était bien la peine de poser les trois capteurs réglementaires et obligatoires en temps et en heure si c'est pour qu'ils ne, mais non, songeai-je dans un second temps, bien au contraire, si ces bidules vissés au plafond n'ont pas réagi c'est que danger il n'y a point (ouf, parfois on se fait du mouron pour pas grand chose, un pissenlit de cramé, une chemise mal déterrée ou tout autre détail de maigre importance).
Après la pagaille, enfin rasséréné comme espéré et l'esprit pareillement en accent aigu, me suis retrouvé devant le grand miroir qui constelle l'entrée de ses piqûres sans tain depuis des lustres, à côté du lampadaire des années 70 dont la ressemblance avec la planète Mars n'est pas fortuite. J'y vis alors les faits, tous les faits, rien que les faits dans leur nudité incomparable.
Il y avait du spectacle.
Étant doué d'ironie à mon endroit et d'autodérision (sans rire), il m'est venu à l'idée que s'il me venait justement à l'idée, à l'issue d'un hypothétique flirt avancé, de m'allonger auprès d'une tout aussi hypothétique dulcinée clairement endormie par je ne sais quelles paroles (j'en suis capable, d'où cette idée saugrenue, je n'invente rien) et que je tourne vers elle mon visage mi-figue mi-raisin (véridique, hélas !) celle-ci y verrait en ouvrant les yeux (et encore, dans le meilleur des cas) un avatar amaigri de l'autoportrait en Zeuxis de Rembrandt, en contre-plongée qui plus est, éclairé d'une seule et faible, bien faible bougie. Et je ne serais pas sûr de survivre à une telle vision d'effroi au fond des yeux d'un tiers (tiers, ou plutôt tierce en ce qui me concerne, invraisemblable on l'aura compris, même si la lumière est faible).
De la sorte, je me persuadai qu'il était temps, grand temps de faire le point, et de dresser une fois pour toutes la carte de ma géographie sentimentale, à cet instant précis, avant la décrépitude finale. Le monde n'allait pas changer de base, ni le passé s'engloutir, de toute façon en cas de report il devrait être possible d'y adjoindre un ou — rêvons un peu, plusieurs avenants. Sur le plan pratique, rien de plus simple, il me restait au fond d'un tiroir quelques gouaches (couleurs primaires) datant du cours moyen (laisser tremper le bloc entier devenu raide comme un vieux carambar mais, rien à faire, on abandonne) un crayon sec, un autre gras et bien sûr mon stylo à encre noire (je préfère le bleu, mais point de ; ah, si, il y a). Je laisserais de côté les outils capables de dessins vectoriels, à mon avis trop dangereux. À la main on sent mieux venir les choses, et surtout il est plus facile de les arrêter avant qu'il ne soit trop tard.
Il y aurait dans cette carte, dessinée indifféremment selon mon côté myope et l'autre, presbyte, une bonne quantité de gens disparus dont le deuil serait tantôt terminé, oublié, tantôt en cours, ou encore imparfait, peut-être impossible (cette vrille, dans l'estomac). Des gens aussi que je ne connaîtrais pas, ou si peu, à mon goût beaucoup trop peu (la vrille, toujours). Pour certains d'entre-eux je ne les aurais jamais rencontrés physiquement, si l'on peut dire, et pourtant ils me seraient aussi chers que s'ils avaient passé la moitié de ma vie à mes côtés. Certains encore m'ignoreraient, n'imaginant certainement pas ma présence en leur sein même. D'autres seraient là depuis toujours. Je vais en oublier plein, je le crains (vrille ultime). Allons faire la lumière sur cette étrange affaire (dans mon cœur, ce mystère, etc.)
Soit :
Soit :
Ainsi ce serait beaucoup plus clair.
...
On sait combien les flirts avancés demandent un recul topographique à la lumière des reliefs quand, en plus, ceux-ci mal éclairés par la lune gibbeuse s'explorent en contre-plongée. Que lumière soit faite, oui !
RépondreSupprimerOn rend hommage aux seize zones de ce cimetière œcuménique qui placent l'altérité au centre véritable des enjeux sentimentaux. Si le je est un autre, le sentiment n'en est pas altéré pour autant (!)
ArD
Vous semblez bien instruite de ce genre d'exercice. Mais, après tout, la courbe des consultations de ce blog ressemblant à une succession de Monts Ventoux, il est parfois fort agréable de se laisser aller en roue libre vers les lavandes.
SupprimerJe me cherche et ne me trouve pas. Pfff!
RépondreSupprimerOn est peu de chose tout de même;-)
Vrille ultime, donc (ça peut être joli, si c'est bien fait)
SupprimerQuel beau parcours où l'on vous souhaite de belles randonnées agrémentées de pauses au coin du feu avec moultes échanges avec les autres randonneurs !
RépondreSupprimerC'est drôle car je ne découvre que ce matin ton "post" où tu as, toi aussi, remis la main à la pâte et abandonné le clavier à double réponse (mais sans pédale) pour le dessin avec un seul bras terminé par une plume...
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