des ammonites anamnestiques







La ville — Villers, en manque d'estive, déroule sa vacuité verticale en étroites bandes d'interdits, codes et faux-semblants sous un ciel teinté de lieux communs, laissant au promeneur las des stéréotypes le choix des pas sur la plage — et des mots qui l’accompagnent dans une nuée de lés croisés, seuls mais innombrables témoins des cycles à venir.






Bientôt une falaise — noire, descend en escalier ; intacte, elle ne meurt pas, ses strates indemnes évoluent patiemment. Les habitués de la Côte d'opale et de ses éperons crayeux voués à l'assaut des vagues, au cataclysme d'une ruine spectaculaire en seront pour leurs frais : ici l'affaissement est régulier, on pourrait presque dire programmé. La lecture est ailleurs.

Dans la beauté des marches gargouillent quelques ruisselées d'eau de pluie. Une structure fine de marnes, craies, argiles et calcaires laisse deviner, dans son contexte à la fois mou, dense et grumeleux, d'imperceptibles et coupants silex. Plus bas sur l'estran, l’œil est attiré par des galets à la forme particulière. Ce sont les restes fossiles de coquillages, d'ammonites, de mollusques et de vertébrés que la mer a soustrait de leur substrat immémorial.

Une tranche de quatre-vingt-dix millions d'années est ouverte ; quelques jeunes professeurs de SVT tentent d'en faire saisir le sens à une marmaille instable et joliment colorée d’éclatants vêtements de pluie. L'abstraction fait son chemin dans leurs doigts incrédules.






J'y vois plutôt (mais on grandit toujours trop vite) comme la résurgence de souvenirs oubliés après un sommeil lourd, lorsqu'un rêve anachronique a décidé une fois pour toutes d'en finir avec les non-dits. Ce sont alors comme les personnages de notre existence qui affleurent, on les croyait pourtant indissociables des lieux où on les a aimés.




...


Au retour un géant de pierre chu d'un cargo en déroute — vraquier chahuté, grumier déséquilibré ? immobilisé à l'horizontale, gît. 
Et ses membres pétrifiés polis par les marées s'amenuisent à mesure du murmure de sable, dans l'attente incertaine d'une révolution qui lui rendrait son âme et son rang.


le géant fossilisé


...



Commentaires

  1. La coupe serait presque pleine, n'y manqueraient qu'un auteur automatique de SAS et un homme politique à la vision trop folle - les coquillages strient les souvenirs et les strates unies sont de l'autre côté de l'horizon.

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    1. Je connais un Villiers mais il est dit « sur Marne », alors que celle-ci ne traverse pas celui-là.
      Il faut se méfier des points sur les « i ».

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  2. Quel plaisir de vous suivre là-bas, les cheveux au vent et le regard perdu vers l'horizon, juste pour le plaisir de rêver au fil de vos mots et photos !

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    1. Les cheveux au vent et le nez dans la pluie ! (ici, c'était l'entracte)

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