À faire la sieste ou que sais-je encore



En quittant Meaux dans la direction de Château-Thierry, après quelques kilomètres un œil expert pourrait distinguer, sur le bord gauche de la route, une pancarte où il lui serait peut-être possible de lire, écrit en tout petit : « Usine élévatoire de Villers-les-Rigault ». Sinon, il y a la possibilité de repérer celle-ci préalablement sur une carte routière, et d'y aller par la D17. C'est assez facile : l'endroit est dans l'axe des pistes de l'aéroport Charles de Gaulle, à une trentaine de km vers l'est et en ligne droite (« à vol d'oiseau ») environ.



Cette usine, située sur la rive droite de la Marne, permet d'y puiser l'eau nécessaire au maintien à niveau du tout proche canal de l'Ourcq lorsque la rivière éponyme, de laquelle il est issu, n'y parvient plus, en été par exemple. Ainsi, pensaient les ingénieurs de l'époque de François Iᵉʳ, les parisiens seraient-ils correctement approvisionnés en bois de chauffage depuis la forêt de Retz. Plus tard, au temps de Bonaparte, on pensa utiliser l'ouvrage pour fournir, toujours aux mêmes, de l'eau potable. Et puis on trouva bien sûr le moyen d'amener une eau plus pure, d'interdire les feux de cheminée, et bientôt le canal ne servit plus à rien, si ce n'est à la promenade, au farniente et à la pêche à la mouche.


J'y étais lundi dernier, à l'heure où tout le monde est à table, en famille, à faire la sieste ou que sais-je encore. Il est possible de faire une boucle assez courte, un peu plus d'une heure de marche, le double en prenant le temps de faire des photos. À ce propos je m'apercevrai au retour que l'appareil photo de mon téléphone était mal réglé, donnant à celles-là un aspect (mal) vieilli aux allures d'autochromes, tels que l'on peut en voir au fonds Combier du musée Nicéphore Niepce de Chalon-sur-Saône, mais surtout — paraît-il — au Centre de l'autochrome du musée Albert-Kahn
Au moins aurai-je la joie de découvrir des équivalents de cartes postales anciennes, à rajouter aux millions d'autres prises par tel ou tel ici ou là, de l'inutile à l'inutile, des verts et des jaunes et des verts et des jaunes.




En revenant vers l'usine, habituellement fermée au public sauf en de rares occasions de fête nationale dédiée au recueillement industriel ou muséal, après avoir longé une mer de céréales aux vagues nonchalantes (et vertes, et jaunes) on voyait en bord de route un groupe de petites maisons mitoyennes. Je les imaginais, sans en avoir la certitude, comme étant celles occupées autrefois par les employés de l'usine ou du canal, ou les deux à la fois. 
Au rebord d'une fenêtre se tient une jeune femme. Les yeux fermés elle étire une jambe sur l'appui, y pose ses mains et les pousse vers l'extrémité de la cheville. Le front et les cheveux sur la cuisse, elle reste longuement dans cette position. Du moins c'est ce que j'imagine, elle a quitté mon champ de vision depuis longtemps. Je crois aussi que ses orteils sont verts, d'un vert tendre (un vert d'eau ?) en tout cas ils ne sont pas jaunes.




Un peu plus loin j'ouvre enfin les yeux et cette inconnue, je la remercie. Pas parce que ses jambes sont nues mais parce qu'elles sont libres. C'est idiot.




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Commentaires

  1. Merci pour la carte postale aux couleurs attendries, au farniente, à la pêche à la mouche et pour l'hommage à la liberté des jambes des femmes, et aussi pour vos reflets !

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    1. Quand on ne verra plus les jambes des femmes, nous aurons reculé de quelques siècles...
      Merci pour le voyage ;)

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  2. Conclusion, pas besoin d'un matériel compliqué pour faire de bonnes photos (cf. Bernard Plossu, Ernst Haas,...) l'oil restant le meilleur appareil...
    PS: petit avion deviendra grand :-)

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    1. Exactement, et puis c'est beaucoup moins lourd. Merci pour le passage et la fine remarque !

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  3. Beau montage aux couleurs du temps passé... Dommage que l'on ne voit pas cette jolie personne qui sait faire gambader le paysage !

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    1. Merci de ton passage, suis conscient que cette absence nuit, mais il faut comprendre qu'elle restera enfermée dans une sorte de panthéon de mes images élues...

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