Les maîtres du monde - un Vase Communicant avec PCH
Un Vase Communicant aujourd'hui, avec Piero Cohen-Hadria et son blog pendant le week-end. Nous nous associons pour la première fois, plaisir de l'échange, des photos, des vues aériennes et de se demander quoi et comment (et de la suite épistolaire pour y aboutir).
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Les maîtres du monde
Les arbres dans le ciel, un doux froufrou ? Des peupliers peut-être ? Un dimanche, en bermuda, chaussures de course, il court assez fréquemment avec son N+1, ou dispute quelques jeux avec lui au squash, mais ne le bat jamais. Principe de base qu’on lui a enseigné dans les grandes écoles de commerce qu’il fréquenta quinze ans auparavant. Douze k l’année, son père payait. Il contemple l’étang, les reflets, le soleil et le vent qui bruisse. Au ciel passe un boeing. Il attend un moment : le cœur battant, comme une douleur du côté droit, quelque chose qui pince. Quarante et un ans, deux enfants, séparé, vit seul dans un cent dix mètres carrés, quatrième face, près du jardin Citroën. Une barbe de trois jours permanente, blanc, brun ou blond au choix, chaussures pointues et costume trois pièces, très wasp, plutôt blond alors, vendredi jean et chemise à carreaux, dans les bleus, sortie du samedi soir, parfois chez Rosa Bonheur (rarement, ambiance surfaite, homosexualité vulgaire), parfois à Saint Germain (plus hype). Dans le garage (boxe fermé 50k), le coupé (allemand) blanc au toit rétractable, parfois un dimanche sur les planches (mais il déteste Deauville), abonné au P., divorcé séparé deux fois, la vie d’un homme séduisant, qui se sait l’être, sûr de lui, goûtant les unes de VA, cent ke par an, un rang à tenir, des parents vieillissants, en Bretagne, au poignet pour ses trente cinq ans l’objet que sa compagne d’alors lui offrit, cette merveille ostentatoire qu’il ne porte plus que le week-end, celle dont l’un de ceux qu’il vénère, qu’il porte au pinacle, qui a réussi, disait etc etc…
L’eau de l’étang, un panoramique de bas en haut, les arbres et au ciel tremblant un gros porteur
le temps passe, les jours vont, coulent les angoisses, la nuit il ne rêve pas (il prend quelque chose), un home cinéma magnifique dans le salon (soixante mètres carrés), les blockbusters en VOD dès avant leur sortie (la culture, oui), le crédit plus les dépenses standard et que reste-t-il pour vivre, une fois abondé le plan épargne et les pensions versées ? Rien. Ses deux enfants, dix et huit, il ne les voit pas, il le regrette mais il s’en occupera quand ils auront atteint l’âge, du moins l’aîné (c’est un garçon), pour le moment, il marche droit, devant lui l’avenir de dégé adjoint, puis dans quelques années, sûrement, plus encore tout est ouvert, peut-être un peu de politique ? si le milieu n’était pas si frelaté, oui, mais réfléchir aux éventuelles opportunités, se rapprocher du boss, sa suprématie le revenue (dérivé du yield) management, le up and cross selling, consolider traquer chasser dégraisser optimiser, il domine ses homologues, il sait où il va, marche sur eux si nécessaire, n’a pas d’état d’âme, la force au plus fort, dégraisser, le poignet solide et les certitudes assidues, des voyages aux US, au Japon, en Chine, à Londres par l’Eurostar de 7 heures quarante pour la conférence du middle-office de 9h30, saisir les opportunités (mais pas l’Afrique), il est là, dans son bermuda (fabriqué en Inde), son débardeur marqué de l’insigne, rouge sur fond noir, dans ses toutes petites chaussettes (même came) qu’il achète par douze paires à l’enseigne en bas de chez lui, sous les tours, il est en sueur, il attend, il n’abuse pas des stupéfiants, il soigne son corps, il ne pèse que soixante dix huit kilos pour un mètre quatre vingt quatre, il ne calcule pas son IMC mais se fie à la PNL, sur son côté droit, un pincement, dehors, il fait doux, il a couru ses six kilomètres, c’est un samedi, et comme tous les samedis, il ira cet après-midi à la piscine du club, où il rencontrera un oncle ou on lui présentera quelqu’un d’important, un peu dans son genre, chemise col ouvert, l’humour et la désinvolture, la culture, oui, surtout la culture et la tradition, devant ce plan d’eau, la douceur, ah voilà N+1, il le suit, ils courent, de l’air, la vie sensible et calme, quarante et un ans, le point de côté, un peu à droite qui pince, et dans le ciel, si haut, un avion qui s’éloigne
Pierre Cohen-Hadria
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C'est Angèle Casanova qui fait la recension (et la liste des autres vases du jour) puisque Brigitte Celerier, recenseuse de longue date, a laissé la main (mais aujourd'hui exceptionnellement celle-ci la reprend — la main — puisque celle-là est occupée par ailleurs). Bonnes vacances !
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goûter les unes mais pas de VA,
RépondreSupprimerles (th)une moyennement
mais les lectures, oui, des V.C.
bonnes vacances à vous et à tous
Rollex and roll...
RépondreSupprimerJe le vois bien au fond de la piscine, sans pull marine et sans pouvoir remonter (le temps est là-haut).
Magnifiques photos et très bel échange, merci pour ce double plaisir !
RépondreSupprimerMerci à tous de vos attentions et lectures... Au prochain vase, j'espère... PCH
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