Le chercheur d'or




Après l'épopée barcelonaise — le terme épopée est peut-être un peu fort en regard de ma largeur d'épaule, mais finalement pas tant que ça, une fois mis en balance le fait que je n'avais pas mis les pieds dans cette ville depuis plus de quarante ans, il y avait du retard à grignoter — quand on y pense, c'était encore l'époque franquiste, nada de la movida, d'ailleurs j'avais emporté quelques polars de Jean-Bernard Pouy (Série Noire) dont un, le dernier lu pour tout dire, la Belle de Fontenay, se passe dans un milieu où se côtoient anars, ex-maos, vieux cocos, etc. avec pour narrateur un retraité espagnol sourd-muet, et dans une prose toute oulipienne parfaitement maîtrisée, donc bien indiquée pour soigner ce qui me préoccupe depuis toujours, par exemple et pour donner le ton à la page 154 on y trouve quelques gugusses qui sortent d'un ciné-club où vient d'être projeté Un destin grêle, c'est de l'ordre de l'indicible, mais pas inexprimable, pas plus que ne le fut le concert final de l'académie dont j'accompagnais un des membres, concert mémorable (toutes proportions gardées, amatorat — plutôt qu'amateurisme, oblige) à l'excellent Reniement de saint Pierre (entre autres, et à l'ombre), à l'issue de cette épopée donc, il était convenu que nous passerions quelques jours à la maison, histoire de se reposer, souffler, respirer, marquer une pause, de se rafraîchir aussi (pari tenu au-delà de nos espérances, avec 20° perdus en l'espace de 12 heures il était inutile d'espérer s'endormir sans une bouillotte et des chaussettes) et de s'occuper un peu, façon de parler, du jardin.






On se souviendra peut-être des noces contrariées, au printemps. C'est donc une surprise et un plaisir que de voir, au retour, nos justes récriminations pour une fois écoutées : étêtés, les thuyas ont rabattu leur caquet et nos deux amoureuses, vigne et clématite, s'en sont donné à cœur joie, débarrassées de cette enclume végétale au-dessus de la tête, façon Damoclès. Cher voisin, finalement je vous aime. Le pommier, cependant, n'en peut plus, semble épuisé ou fait semblant de l'être, rabougri jusqu'à l'âme. Une posture ? non, une nécessité : vaincu par les lianes, celles-ci comme hissées jusqu'au point de rupture avant de retomber en paravent ajouré tout autour du vieillard. Et se croisant, s'entremêlant, s'étreignant, s'étouffant mutuellement. Trop d'amour, tue. Le cinéma ne me contredira pas. Je cherche vainement une comparaison qui me proposerait un trio aussi créatif et exubérant. Truffaut, Eustache ? trop noir (surtout à la fin). Almodovar, peut-être, mais il faudrait alors Pénélope Cruz et Victoria Abril en même temps, et ce sera difficile. Ensuite, étant donné ma préférence pour le mètre cinquante-neuf et la tête cabossée de celle-ci au détriment des dimensions plantureuses, pourtant, de celle-là, je ne ferais pas preuve d'objectivité et l'histoire s'arrêterait là.

Alors j'ai pris mon plus beau sécateur et, hardi à la taille, l'œil neutre et les phalanges dociles, me voici bientôt empêchant, de concert, ces belles de se nuire.







D'autres trésors suivraient (serons-nous donc toujours un peu dans une des positions les plus vraies de l'enfance, celle du chercheur d'or ?)






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Commentaires

  1. La dernière phrase entre ( ) est très belle.

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  2. Chercheur de trésors et chercheur de couleurs, or ou mauve, vous excellez !
    Merci pour cette visite et ce retour de voyage comme je les aime, avec les surprises du jardin qui a repris sa liberté pendant que nous regardions ailleurs...

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    1. merci aussi (les têtes tournent, c'est leur raison d'être)

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  3. Tu aurais quand même pu le dire...
    I.

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