Revisiteurs 2/2 (Vases communicants)
Pour cette publication dans le cadre des vases communicants*, je reçois aujourd'hui Hélène Verdier, tandis que mon texte est publié sur son blog simultanées. Et ceci est né d'une coïncidence...
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Revisiteur : « Celui qui est chargé d'examiner les marchandises, des poids et des mesures... » (CNRS / CNRTL)
Jean-Baptiste Clésinger, 1847, apothéose solaire (titre apocryphe)
Kehinde Wiley, 2008, femme piquée par un serpent
Nous sommes seuls dans la grande salle du musée. Le parquet craque sous les pas que nous voudrions légers. Dans l’air flottent comme grains de poussière une odeur de grand et de petit sommeil et les voix traînantes des deux Francs-Comtois, Courbet et Clésinger, au voisinage de leurs œuvres.
Au mur sont accrochés Les demoiselles de bord de Seine, Le sommeil de Courbet. À leur pied, le marbre couché de Clésinger trace entre les deux pays un dialogue anachronique que je tente de capturer en une seule prise de vue. Le cadrage se révèle vite impossible et il faut tourner le dos aux tableaux de Courbet. De ce renoncement nait un instant, imprévu comme un souffle.
La vie vient s’emparer du marbre plus vrai que la nature sous le soleil rasant. La lumière frappe, à contre-jour derrière une fenêtre close. Je vois sur le marbre les capitons de la chair, le fin duvet qui se hérisse — aura de la peau nue. J’oublie le visage vide et tressaille à l’idée de ce corps moulé sur le vivant, enduit au plâtre lourd, corps-matrice et empreinte de corps, de réplique en variante plus ou moins agrandi.
Le titre de la sculpture de Clésinger, femme piquée par un serpent, et le reptile mince enroulé comme un bracelet autour du poignet blanc ne sont que leurres pour mieux dévoiler ce que chacun entend et imagine sous le masque du silence, des sourires gênés, des vociférations et du scandale. Figé dans le marbre demeurent l’abandon après l’extase, les gémissements, les chuchotements de la petite mort : projections crues, sans voile sous le plissé des linges en désordre.
J’effleure la parentèle. Les avant les après, en peinture surtout. Odalisques, courtisanes, modèles et maîtresses, les femmes de Courbet, l'Olympia de Manet qui vous regarde, si nue sous son ruban. Je me souviens de ce portrait transposé — revisité — peint en 2008 par Kehinde Wiley intitulé femme piquée par un serpent que je croisai au printemps dernier sur les cimaises d’un musée à Brooklyn. Un homme noir est allongé en contorsion dans un semis de fleurs, Dormeur du val en grand sommeil les yeux ouverts.
Je me souviens aussi d’Elle, Aglaé Savatier devenue Apollonie Sabatier, amante dédicataire de Baudelaire, Présidente d’un Salon où se pressait Paris,
alors,
je contemple
le visage vrai d'Apollonie
princesse du Fayoum
icône d'une banlieue d'Alexandrie,
sous le soleil
texte & photos Hélène Verdier
* Les vases communicants, une idée de François Bon et scriptopolis : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les échanges et les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement. Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Les échanges du jour sont consignés dans ce blog, tenu par Marie-Noëlle Bertrand. On peut aussi les suivre sur les réseaux sociaux.
Les échanges du jour sont consignés dans ce blog, tenu par Marie-Noëlle Bertrand. On peut aussi les suivre sur les réseaux sociaux.
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Gisants et vivants...
RépondreSupprimerLe corps moulé sur le vivant... Et une écriture qui en est leur souffle.
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