Effilochées
Il était dit qu'un tropisme se devait d'être contrarié ; l'escapade maritime serait donc reportée, au profit d'une aventure inverse.
Sur la route de Pau, le passager que je suis a choisi de ne pas trop solliciter sa mémoire, tant les bribes de souvenirs qui s'attachent à ces montagnes paraissent à la fois lointains dans leur relative unité et proches par des détails étonnamment présents, propres et brillants, lavés par une pluie de printemps ; l'analyse et surtout le ressenti de cette configuration somme toute banale, mais risquée quand on y pense (pourquoi cet oubli, cette absence de textes, d'objets, d'adresses, en un mot, de témoins ?) ce ressenti très intime, donc, étant incompatible avec la conversation, la proximité immédiate des compagnons (en l'occurrence, des compagnes), cette architecture de liens élastiques, exigeants et fragiles qui unit les voyageurs vers un lieu à découvrir.
Le panorama est magnifique sous les nuages qui s'effondrent ou s'aspirent, on prend des photos par la vitre de l'auto pour plus tard, pour le plaisir, par habitude, un peu n'importe comment, pour rien peut-être. Pour des petits riens. On ne sait jamais. Le flou, le net et le clair-obscur se mélangent sans se perturber, et le décompte des heures accentuera le phénomène jusqu'à la disparition du jour.
On se revigorera avec un pays neuf, la douceur d'une rencontre en un lieu, une effilochée de jambon, des jolis morceaux de fromage et surtout l'écoute d'autres histoires mieux conservées, les mots et les images qui tournent autour, leur agencement ; les transmissions sont souvent similaires dans leur esthétique et l'idée même de cette transmission doit être sauvegardée, quand les êtres avec leurs habitudes et leurs travaux, eux, disparaissent.
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T'as d'beaux cieux, tu sais !
RépondreSupprimerla beauté, un Carné !
SupprimerLa mémoire est très pudique, au fond et surtout.
RépondreSupprimerArD
Cette intimité là, certes, ne pas la brusquer
SupprimerAdmirer la fin du jour là, exactement là, où d'autres l'ont fait avant nous et apprécier l'instant à leur manière, pour qu'ils s'en souviennent avec nous.
RépondreSupprimerL'autoroute de la mémoire connait lui aussi des embouteillages...
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