le génie, civil et militaire
Sur la route d'Erquy, du Val André, ce viaduc ferroviaire des Ponts-Neufs, construit de 1913 à 1922 dans l'intérêt du chemin de fer reliant Yffignac à Matignon au franchissement du Gouessant. L'exploitation de la ligne ne durera qu'une partie de l'entre-deux guerres, puis jusqu'en 1948.
Le génie français regorge de ces bâtiments dont l'édification, en terme de durée, surpasse la période d'usage proprement dit, quand ce n'est pas l'évolution technologique qui rend obsolète l'ouvrage avant même son achèvement, à l'instar de certaines constructions de Vauban.
Désormais le viaduc, restauré, est une « voie verte » réservée aux piétons et aux engins non motorisés. Une fine et élégante bête morte sur le dos de laquelle montent les enfants, comme sur les dinosaures du Jardin des Plantes.
Je regarde, je trie les photos rapportées, m'étonnant de n'y trouver aucune présence humaine alors que, a contrario, les souvenirs que j'ai de ces endroits regorgent de compagnies, souvent de foules, été comme hiver. La mi-saison n'explique pas tout, il semble qu'inconsciemment — du moins, je l'espère ; j'en viens à souhaiter que l'inconscient y prend sa part, souffre, s'il en était doué, son geste de responsabilité — se soit opéré une retouche manu militari, afin d'y placer peut-être les êtres chers (et pour la plupart, en l'occurrence, disparus). Opération contre-productive : si cela était, le truc ne serait visible que par moi seul et ce billet n'aurait pas lieu d'être, comme une sorte de studio de Méliès qui en serait resté au stade intellectuel.
Ainsi l'on passe beaucoup de temps dans l'existence à préparer le terrain. Échange de lettres, de courriers. Consultation des indicateurs routiers, ferroviaires. Réservation de sites. Anticipation, précaution, doute, théorie. Projet, désir.
Et puis, quand la rencontre a lieu (si elle a lieu, s'il n'est déjà pas trop tard) on se trouve tout surpris de la brièveté de l'évènement en regard de la longueur du trajet. Il n'est pas impossible, alors — et c'est d'ailleurs fort heureusement très souvent le cas, le mieux qui puisse arriver, si l'on peut dire — que surviennent toute une série d'épiphénomènes dont les conséquences viendront contredire les précautions prises et dérouter l'histoire. On connaît la suite (ou plutôt, on ne la connaît pas).
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Parfois l'histoire s'écrit seule d'un cliché à l'autre, d'un souvenir à l'autre, dans l'ombre et dans la lumière. Et ce qu'il nous en reste à un goût de nostalgie tantôt amer tantôt sucré.
RépondreSupprimerCertes, une « nostalgie heureuse » alors, comme dit l'autre :)
SupprimerLe Val André... Pléneuf... Vacances d'été souvent passées là-bas, chez mon oncle.
RépondreSupprimerLa plage est immense et on peut aller voir le Verdelet par le chemin de ronde...
Je ne connaissais pas ce viaduc : beau décor de film (des images qui se suivent et ne se ressemblent pas).
je n'ai pas oublié le très beau billet que tu avais écrit l'année dernière, une rencontre musicale pas très loin de là, près de Saint-Coulomb.
Supprimer... Ou comment mieux décrire le distingo subtil entre l'ipso facto et le manu militari.
RépondreSupprimerArD
Ce que j'apprécie chez vous (mais je vous l'ai déjà dit), c'est que vous savez lire.
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