Les déplacements de la mémoire
Les morts, à la différence des absents, lesquels vivent toujours mais se taisent souvent, nous laissant ainsi en proie à nos fantasmes, sont très bavards. On les entend tous les jours, ils se manifestent même dans nos gestes, dans nos mots.
Je me regarde dans la glace et je vois mon père, je me demande ce qu'il en penserait, lui-même était-il sujet à de tels dialogues imprévus ? J'entends son rire à l'évocation de cette supposition, de cette superposition. Ma mère n'est pas loin, elle fredonne une chanson de Marie-Paule Belle que j'avais complètement oubliée. Elle nous demande la raison de cet esclaffement, elle voudrait bien nous rejoindre, mais selon toute vraisemblance elle a dû perdre ses lunettes.
En sortant de la salle de bains je me trompe de porte, j'étais retourné dans la maison de mon enfance. D'où me viennent ces larmes alors que celle-ci est toujours présente, à tel point que j'ai failli rater la dernière marche de son escalier ?
Je vais vers le jardin (serait-il à leur goût, s'y sentiraient-ils bien ?), derrière le photinia il y a les yeux en amande d'une petite amie, ils me tancent de ce regard noir, elle est devenue arbre-buste littéralement. Je m'apprête à sourire mais je vois à sa bouche qu'elle va me dire une chose que je ne voulais pas entendre, je devine de quoi il pourrait s'agir alors je glisse mon doigt sur ses lèvres. Rien n'y fait, d'un mot sacré elle abolit mes regrets.
Il est temps d'aller leur rendre visite, ils sont au cœur de la ville. Les trois photos qui suivent, sans doute déjà vues par ici dans d'autres couleurs, n'ont aucun rapport avec ce qui vient d'être dit, mais avec ce qu'ils voyaient, ou pensaient parfois, elles en ont sûrement. Je vais partir avec elles, avec eux, chez eux et peut-être encore un peu chez moi ?
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"L'arbre-buste" est sur le point de refleurir...
RépondreSupprimerLes souvenirs en noir et blanc reprennent parfois des couleurs au détour d'un bosquet ou d'une photo retrouvée au fond d'un tiroir...
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