Ainsi, il lui arrivait parfois de se tromper
Dimanche soir, dans la tension de l'avant-match comme disent les commentateurs sportifs, tension (ou abandon) identique à celle ressentie par les « trois Français sur quatre » (au bas mot, dixit les mêmes commentateurs) s'apprêtant à regarder, avec plus ou moins de zèle — mais on est vite pris par le jeu, le mouvement, la course, le ballon, le tout : l'émotion serait identique pour une partie de pétanque ou de pelote basque — la grande finale de foot, je me promenais dans le jardin (il faut savoir « gérer la pression ») dont le mur du fond vient d'ailleurs, pour l'anecdote, d'être retapé du côté opposé et supérieur par des ouvriers portugais, et d'assez belle façon.
Tandis que la rue était devenue inhabituellement calme, vide de toute circulation au profit du magnétisme télévisuel, on aurait presque pu deviner dans le ciel, d'un tempérament ce soir tout dramatique, les prémices de la pluie de papillons dorés qui allait s'abattre sur le Stade de France et même, au ralenti pour l'un d'entre-eux, jusque sur la paupière humide du sensible et malheureux Ronaldo.
Il y avait du Scola d'Une journée particulière dans cette aimantation. Sans pour autant faire une quelconque analogie idéologique, je pensais à ceux que le foot n'intéresse pas et se retrouvent pour un temps abandonnés des leurs, « enfin seul » pour la plupart d'entre-eux, à la merci, qui sait, d'une rencontre impossible en temps ordinaire avec le voisin qui a, lui aussi, fui le spectacle (alors que, différence notable avec Scola, le spectacle voudrait bien de lui).
Je pensais aussi à mon père, son oreille parfois collée au transistor les soirs de grand match. Il aimait le foot, l'avait pratiqué, mais quand le premier téléviseur investit le salon il continua longtemps d'écouter le sport à la radio, comprenant mieux disait-il les phases de jeu lorsqu'elles étaient parlées. Au-delà de la force de l'habitude, il devait surtout aimer à faire fonctionner son imagination. Et puis, les grandes ondes étant par définition modulables en amplitude, il lui était aussi plus facile d'en régler le volume, afin de ne pas troubler la paix du ménage. Un soir de France-Allemagne, peut-être dans l'excitation du score provisoire il m'avait appelé « mon athlète » (ainsi il lui arrivait parfois de se tromper).
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Voilà ce qui est pour moi la force du football, étant hermétique au jeu de balle, c'est l'intensité des souvenirs de partages autour de cette balle dans les familles. Et on en entend encore parler des années plus tard !
RépondreSupprimerOui, quelque soit son point de vue, ça laisse des traces !
RépondreSupprimerAvant-match, après-match... 20 millions de Français ont regardé M6 (têtes piteuses chez TF1 !), une sorte de cérémonie nationale qui bat, paradoxalement, le 14 juillet, mais sous une forme moins militarisée : le jeu de balle contre l'échange de balles.
RépondreSupprimerCette liturgie ou dramaturgie pour lesquelles certains "intellectuels" font la fine bouche est semblable à une pièce de théâtre : mais c'est plus chic d'aller de Paris à Avignon en TGV.
J'aime bien que Nicolas de Staël (comme tu l'as rappelé dans un commentaire sur mon blog) ait peint "tout naturellement" des joueurs de foot dans leur élan rouge et bleu, et que Albert Camus ait pratiqué et aimé ce sport.
Belle photo finale !!!
Il faut bien admettre que le foot n'est pas très prisé des milieux intellectuels, d'ailleurs quand on aborde le sujet les mêmes références littéraires ou artistiques reviennent assez vite !
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