le presque
Encore une nuit perdue dans l'inanité de la pleine conscience
Et puis au matin, un café léger réchauffe le ventre et rend possible l'endormissement, une heure de sommeil qui en vaut dix, les douleurs ont presque disparu, mais surtout
Il était dans mon rêve
Si beau, à pleurer
Je ne le vois plus que dans les rêves
Ou par l'intermédiaire des écrans
C'est fou, les gens qu'on aime et qu'on ne voit qu'en rêve
On aimerait tant les étreindre ou même les toucher
Leur parler les regarder
Ils sont l'empreinte indélébile de notre faiblesse
Cette étincelle donne le courage d'écrire une liste en vrac avant de partir
Du café, un mélange provenant pour une partie de Colombie, pour l'autre du Kenya
Des vieilles cartes routières de la maison Michelin
Des crayons graphite et d'autres au fusain
De la craie et du papier Canson
Une rose naturalisée comme un serment au bout d'un fil de fer
Un petit cochon ailé en métal peint qui fait aussi office de tirelire, mais surtout de mascotte
Un jeu des 1000 bornes et deux puzzles réservés aux moins de douze ans
Les deux sièges auto rehausseur
Des allumettes, une canne à pêche et un parapluie, un châle
Des timbres-poste
Les derniers articles sauvegardés de ma liste de blogs en favoris, la liste écrite de ceux sur lesquels il faudrait que je m'attarde plus souvent
La maquette du livre à venir et celle sur laquelle on travaille à plusieurs
Du vin rouge du Mâconnais
Un Série noire de Thierry Jonquet trouvé dans la boîte à livres devant la mairie, en contrepartie d'un dictionnaire de la langue bretonne que je n'apprendrai jamais
Des lunettes de secours dans leur étui rigide, une autre paire réservée à la vision de près mais je les porte en toute circonstance sauf pour conduire
La semaison III de Philippe Jaccottet*
Rien que le souvenir d'un carnet de notes de mon père
Les instruments à vent dans la collection Que sais-je ?
Le dépaysement par Jean-Christophe Bailly
Du vin rouge du Mâconnais, plusieurs bocaux de la confiture de prunes 2012
Un bouquet de fleurs d'ail séchées
D'autres qui ressemblent à des tournesols en plus petit
Un paquet de lettres reçues il y a plus de dix ans
Des photos sauvées à Dinan et dont je ne me sépare jamais
Les jardins statuaires, par Jacques Abeille, commandé par erreur en édition électronique mais dont la lecture est un ébranlement
La liseuse, donc (le nom est joli)
Un tricot Saint-James acheté une fortune à cause de son nom, mais il est inusable, parfois je dors avec comme un enfant avec son doudou
Un carton de livres de poche pour distribuer dans les boîtes à livres, si l'on en trouve, mais aussi pour faire de la place, ici
Des herbes à infusion cueillies à Lescheraines, dans les Bauges, il y a de cela une éternité
Un galet de granit rose, un autre de Cayeux-sur-Mer, un troisième des Vaches Noires
Un jeu de cartes pour apprendre les tables de multiplication
Des morceaux de tissu pour faire des marionnettes
Et plein d'autres choses encore, des objets surtout
Il faudrait donner un sens à cette liste, la démembrer, la recomposer : à la relecture c'est un capharnaüm
Un esprit cartésien n'aurait aucun mal, celui qui décide et qui fait
Un homme fort, en somme
Une bête de somme : celui qui dort mal ne peut y prétendre
Il serait bien de faire la route en plusieurs étapes
En y allant à pied, j'ai calculé que cela durerait 17 jours, en prenant son temps
Ce n'est plus possible évidemment
Il faudrait se défaire
Reprenons
la liste
Trois fois rien
...
* « Écharpes, châles de fumée dans les jardins, dont pourrait s'être enveloppée une invitée, une passagère invisible, quand le soir fraîchit. Écharpes aux épaules de la nuit ou du silence à venir. »
Gallimard, page 123
...
Le livre à venir (ou son pluriel) est sans doute le plus important - mais peut-être avec d'autres désordres ?
RépondreSupprimersans doute !
SupprimerToute une vie dans presque rien...
RépondreSupprimerpresque !
SupprimerLe sens de la liste ne passe pas par sa composition, mais bien plutôt par son assortiment, comme dans la cas présent. N'avons-nous pas à chaque paragraphe une référence à la nature, au support matériel de l'écriture (du tracé ou du dessin), et au sens (le goût, la vue ou l'ouïe). Le quatrain comme le rythme du presque.
RépondreSupprimerArD