D'une nuit, fragment






La première scène du film — un long plan-séquence serré, élastique, mobile — montrait la vitrine d'une boutique — d'une échoppe ? — dans un quartier de New-York, ou du XVIIIème arrondissement de Paris (ou de Saïgon, une de ces villes qui ressemblent aux photos qu'Anh Mat poste sur Instagram, une ville qui ne dort jamais, une ville où le sommeil se prend à la va-comme-je-te-pousse),

Surgie du hors-champ, une équipe de personnages aux masques d'anonymous venait coller des stickers sur la vitrine de la boutique, de l'échoppe (vitrine étroite, d'un seul tenant) dans le but de dénoncer son activité illicite (odieuse, criminelle) et les quelques passants s'immobilisaient ou s'éloignaient, pressentant le mauvais coup, le drame.

Le leader du groupe tient à présent un mégaphone, et à travers la porte ouverte de la boutique (il en sort une lumière jaune-vert, insalubre), en interpelle le patron pour l'instant invisible (le son métallique, distordu, de l'apostrophe, de l'injonction),

La vitrine explose, en surgit un camion qui soulève le type au mégaphone, le plaque contre la calandre, le pare-brise, nez à nez avec le conducteur qu'on ne voit pas, le camion (puissant, hurlant) traverse la rue, la place, à toute vitesse, va s'encastrer dans la station-service de l'autre côté de la rue, de la place, une station-service en béton soutenue par des piliers style art déco, (par terre, dans les miettes du pare-brise explosé, entre deux pompes à essence toutes les lumières fluo de la ville),

La caméra fait le tour de l'habitacle, la sirène du klaxon bloqué devient insupportable, contre la calandre le corps recroquevillé, le visage de l'anonymous, comme sauvé par l'épaisseur d'une enveloppe kraft à la place de son masque arraché (elle était probablement, parmi d'autres, dans la vitrine), l'enveloppe collée sur son visage, difficilement il s'en saisit, glisse sous le camion et parvient à s'enfuir, il n'y a plus personne alentour, que le gras des lumières de la ville sous la pluie.

Le personnage n'ouvrira l'enveloppe qu'à la toute fin du film, c'est une photo du visage de Scarlett Johansson sur papier glacé. Une des filles, sans doute, qui devaient être à vendre ou à louer. Le personnage est alors au bord de la mer, tôt le matin, seul, sur un lit de galets, mais le lit est immense (un estuaire ?) et par endroits des restes de neige font penser à une moraine. Il aperçoit, venant vers lui, une jeune fille à moitié dénudée, alcoolisée. Elle s'est éloignée de son groupe, ils fêtent peut-être un examen (réussite, échec ?) ou un anniversaire. Il lui dit : « Tu vois, le film est un remake. Dans la version originale, en noir et blanc, c'était la photo de Bette Davis. Ne t'inquiète pas ».






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Commentaires

  1. Pour avoir l'avance, il suffit de connaître la recette : Scarlett en starlette, c'est OK, mais pour Bette Davis, pas sûr !

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