L'image en son mouvement



Les images on en prend, on les range, on en poste, 
avec ou sans retouche, recadrées ou pas (par principe on peut les garder telles quelles, directement depuis l'appareil, surtout ne pas s'embarrasser de technique, question de concept) accompagnées parfois d'un texte, celui-ci en rapport (plus ou moins évident, selon ce qu'on écrit) avec elles (mais il y a toujours un même ordre d'idée, qu'on le veuille ou non, puisque que tout ça est composé, propulsé dans le même mouvement), les images fixées, fragments d'une posture, d'instants, le choix qu'on en fait après coup, celles qu'on jette (trop de photos, pas assez, tremblé bougé, nettes ou moins nettes, hors-sujet),

Les images que l'on a prises alors qu'on était pleinement conscient, cependant, d'être à côté de la plaque, non pas par distraction, mais, la volonté submergée par un enjeu au-delà de tout courage, on tournait l'objectif ailleurs, comme pour détourner sa propre attention d'un geste dont on ne se sentait pas capable,

Les images que l'on n'a pas prises, on s'en veut quand, à la place, des images mentales nous reviennent à la figure avec toute la brutalité de leur joie, de leur tristesse, images d'un jour, regrets, moments égarés qui bientôt s'évaporeront, se dilueront dans le présent rouleau compresseur,
(mais réapparaitront sporadiquement ces images-souvenirs, bulles, flashs, le jour, la nuit, toujours et partout et sans prévenir — le besoin, aussi, de ces bulles, de ces flashs, sinon quoi),

Les images des temps plus anciens, au glissement de l'enfance, là où la frontière n'est pas nette, mais y a-t-il vraiment une charnière entre l'enfance et ce qui suit, dans ce long glissando ponctué d'évènements, par commodité on met des dates,

Les images que l'on ne poste pas, celles que l'on n’aurait même pas l'idée de prendre, les trucs qu'on garde pour soi, les images impossibles à assembler, à juxtaposer, à écrire, les troubles de l'image, on n'arrive pas à se relire, et les autres n'y parviennent pas non plus,

Les images que l'on garde sont-elles notre langage, ou l'avatar d'un langage archaïque, à l'instar des enfants malmenés ou battus, entourés d'incohérence ou de violence depuis le foetus, et qui n'ont en conséquence d'autre possibilité d'expression que cette même incohérence ou cette même violence, redite, réitérée, dont ils ne peuvent se départir qu'à longue échéance, et dans le fond elle restera toujours latente, cachée, enfouie,

(Pourrait-on se relire à travers nos images comme on observe un dessin d'enfant, ses maisons, ses arbres, son soleil, ses personnages, ou bien est-il trop tard, y a-t-il  trop de couches accumulées depuis),

Il va bientôt faire nuit, mais les images tournent en boucle, on ne va pas, on ne va pas faire un dessin (et ce serait mieux, en fin de compte, ne serait-ce que pour se souvenir, dans le temps pris pour le faire, du mouvement vers l'autre, car ce mouvement, toujours, importe plus que l'image elle-même),


...

Commentaires

  1. Dominique Hasselmann24 octobre 2016 à 11:49

    Le roi image est parfois seul... L'imagination le concurrence, sur les chemins de la composition ou de Compostelle (donc sur Twitter).

    "Images, Images", j'ai un petit livre de Roger Caillois : mais la photo n'est pas vraiment son objet ou son objectif !

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  2. Esqueci de te esquecer...

    ArD

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    1. Vous ne croyez pas si bien dire (en Français dans le texte)

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  3. et là, étrangement, l'image en question se trouve... dans le post à venir (très belle)

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