la ronde du 20 novembre 2016 : un incipit
Le 20 novembre, la ronde
Principe : le premier écrit chez le deuxième, qui écrit chez le troisième, etc.
Aujourd'hui c'est à un incipit que nous devons nous tenir : « Il était cinq heures du soir (...) »
J'ai le grand plaisir d'accueillir Dominique Hasselmann (@dhasselmann), auteur du blog Métronomiques, entre autres, pour sa première participation à l'exercice. Ma propre fiction est publiée chez Franck.
Merci à eux deux, merci à tous ceux qui font la ronde.
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Paris un peu risqué
Il était cinq heures du soir. La nuit venait de tomber sur Paris sans se faire de mal et je n’avais pas sommeil. Je devais filer à la pharmacie afin d’enrayer un rhume – foin des demi-mesures, je prendrais du Doliprane 1000. Les phares des voitures aveuglaient déjà, les feux rouges semblaient émollients.
Je marchai rapidement vers le métro Jacques Bonsergent où l’employé de la Ratp dans son bocal de verre carré s’ennuie à un euro de l’heure : les clients (ne plus dire « usagers ») possèdent un passe Navigo, ou achètent des tickets à la machine, ou franchissent le portillon en se collant à quelqu’un qui pense encore que ce service mérite rétribution.
Sur le quai, peu fréquenté, j’aperçois un individu habillé de manière assez fantaisiste : pantalon à carreaux bariolés, veste verte. Sur la tête il porte une casquette rouge au nom de Trump avec la mention en blanc « Make America Great Again ». Sans doute un Texan égaré dans la ville : peut-être a-t-il confondu avec son Paris de là-bas ?
Il se dirige vers moi et me demande, avec un accent de western mal doublé en français, si je connais le Buffalo Grill du coin. Je lui réponds qu’il peut aller jusqu’à la place de la République, juste à côté, pour trouver ce genre de gargote ou choisir le McDonald’s tout à fait indiqué pour son cas.
– Fine ! me répond-il, en prenant le bras de sa femme qui porte des bottes blanches à franges avec une jupe en cuir marron.
On rencontre donc encore dans la capitale des touristes étrangers, ce n’est pas la catastrophe annoncée par les mauvais augures professionnels après les attentats de 2015 commémorés le 13 novembre dernier.
Soudain, je vois que mon interlocuteur porte la main à l’intérieur de son blouson en daim (comme un remake du film de Michael Cimino, The Deer Hunter ?) et en sort tout de go un revolver 357 Magnum, tout en faisant mine de me viser. J’ai juste le temps de penser que je dois présenter à ses yeux une tête de « gauchiste » ayant pu voter pour Bernie Sanders.
Je reçois alors une flèche en caoutchouc sur la joue droite, il se tient à trois mètres de moi, les jambes écartées, dans la position du tireur debout à la sortie d’un saloon aux portes battantes : est-ce un cowboy qui joue aux Indiens ?
– You’re crazy ! je lui hurle.
– But, it’s only a joke ! me répond-il, et il escalade rapidement avec sa compagne les escaliers qui débouchent sur la petite place du 10e et le boulevard du Magenta qui mène au lieu symbolique de la République.
M’aurait-il pris pour Wim Wenders ? Manière de se venger d’un titre de film à la belle ambiguïté – Paris, Texas – et d’une confusion peut-être géographique ?
Sur ce quai de métro, l’inattendu était prévisible.
Je vais devoir retourner maintenant à la pharmacie pour m’acheter une boîte de sparadraps Urgo.
texte et photo : Dominique Hasselmann
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Jean-Pierre Boureux, puis Dominique Hasselmann, Dominique Autrou, Franck, Noël Bernard, Élise, Céline Gouël, Jacques, Guy Deflaux, Hélène Verdier, Jean-Pierre, etc.
— prochaine ronde le 15 janvier —
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Plus qu'avec son accoutrement d'Amérique profonde, ce zozo aurait pu taper dans l'œil avec sa flèche. Drôle de jeu...
RépondreSupprimer@ Francesca : Oui, heureusement il ne savait pas bien viser, bien que porteur sans doute du carte de la NRA...
SupprimerAh...merci, j'ignorais tout de la NRA, association autoproclamée protectrice des droits civiques !
SupprimerAh, quand on arrive en ville, embué... (merci Dominique)
RépondreSupprimerDominique Hasselmann
RépondreSupprimerClient de la RATP
Victime de son temps et de ses sentiments fraternels
Caoutchouté d'une flèche le 20 novembre 2016
... L'agresseur victime de son humour douteux fut arrêté place de la République et prié d'avaler la flèche fautive ...