La belle matinée
Quand les mots viennent, c'est un peu comme avec les gens, il faut les dire tout de suite. Avoir le courage ou l'inconscience de le faire. Toute écriture ultérieure déforme l'intention originelle, sans forcément l'affadir, mais ce n'est plus la même puissance, l'instant est raté. La façon dont je viens d'écrire ceci n'échappe pas à la règle.
Le miracle hier matin, en entendant sur France Musique un concerto de Mozart, je reconnais immédiatement Maurizio Pollini. Ma culture est musicale est faible, c'est peu de le dire. Se trouver ainsi dans la confidence immédiate ne peut être le fruit du hasard, sans doute les programmateurs ont-ils choisi l'extrait d'un vinyle que j'écoutais autrefois (Deutsche Grammophon, Wiener Philarmoniker, Karl Böhm...) Il faudra vérifier sur le site de l'émission.
Quoi qu'il en soit j'ai reconnu ce style riche et ample, ce son luxueux (les adjectifs vont manquer), en rupture avec des interprétations contemporaines parfois très rapides où la virtuosité gymnastique brise, me semble-t-il, toute émotion. Me voici étonné d'avoir pu si facilement retrouver l'ambiance exacte des premières écoutes, avec le cadeau du contexte qui renaît. C'est pourquoi j'employai le mot « miracle », dans le sens d'une offrande bien sûr.
Quoi qu'il en soit j'ai reconnu ce style riche et ample, ce son luxueux (les adjectifs vont manquer), en rupture avec des interprétations contemporaines parfois très rapides où la virtuosité gymnastique brise, me semble-t-il, toute émotion. Me voici étonné d'avoir pu si facilement retrouver l'ambiance exacte des premières écoutes, avec le cadeau du contexte qui renaît. C'est pourquoi j'employai le mot « miracle », dans le sens d'une offrande bien sûr.
Mais alors vois-je mon en-tête démenti par le deuxième paragraphe, il est possible de retranscrire une émotion à l'infini, pourvu qu'on y travaille. À vrai dire, l'effet n'est pas original, mais le rappel suffit pour embellir la matinée.
Ensuite il y a beaucoup plus grave, ou plus important
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Est-on jamais assez attentif ? Quand un grand arbre noirci d'hiver se dresse soudain de front et qu'on se détourne de crainte du présage, ne convient-il pas plutôt de s'arrêter et de suivre une à une ses ramures distendues qui déchirent l'horizon et tracent mille direction contre le vide du ciel ? Ne faut-il pas s'attacher aux jonchées blanchâtres du roc nu qui perce une terre âpre ? Être attentif aussi aux pliures friables des schistes ? Et s'interroger longuement devant une poutre rongée qu'on a descendue du toit et jetée parmi les ronces, s'interroger sur le cheminement des insectes mangeurs de bois qui suivent d’imperceptibles veines et dessinent comme l'envers d'un corps inconnu dans la masse opaque ?
C'est le vide de toute part qui tâche et joue à se circonvenir et creuser lentement les lignes de la main de la terre. Les réseaux se nouent, se superposent, s'effacent. Les signes pullulent. Il faut que le regard s'abîme.
Pourtant d'autres contrées sont à venir. Il y aura des pays.
Jacques Abeille, Les jardins statuaires, Editions Attila, 2010
Ce sont les premières phrases du roman, dont l'écriture pourrait ne jamais cesser de traverser les murs, ou de les contourner de multiples manières.
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Les arts se marient si magnifiquement et vos photographies en sont le point d'orgue !
RépondreSupprimerMerci vraiment pour cette suite poétique.
Je n'ai jamais rien lu de Jacques Abeille, mais s'il existe aussi en BD...
RépondreSupprimerConcernant Maurizio Pollini, pour info : il sera à la Philharmonie de Paris le 17 avril...
Belles photos par-dessus le marché !
il faudra, donc, lire les jardins statuaires
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