Les portes







Le corps s'est habitué au froid. Le feu, naguère allumé dès le réveil, est désormais ravivé le soir, lorsque la grisaille envahit l'espace. Le reste du temps, les bûches sommeillent par-dessus les cendres tièdes. L'esprit, lui, est ailleurs, vers le paysage.

Le paysage s'est ouvert sensiblement lorsqu'une éclaircie a paru suffisamment favorable pour envisager une pression du regard, puis il s'est tu. Les splendeurs entraperçues ont donné l'envie d'en connaître plus, le désir de le traverser mentalement nuit et jour, en lui prêtant des attraits imaginaires. Ce n'est pas tant qu'il se refuse, à l'instar des côtes tropicales ou des déserts continentaux dont les soleils détestent objectivement les cuirs tendres, mais on dirait qu'il préfère se tenir à distance, drapé dans une austère froideur, un peu trop bruyante pour n'être pas délibérée.
Qu'y a-t-il de si faible, ou de si dangereux en son cœur, qui ne puisse être accordé au voyageur de passage ? Est-ce la qualité passagère du voyageur qui provoque une méfiance particulière ? Difficile de le savoir. Ce n'est pas tant la question de son silence — après tout, le paysage bruisse de mille langues — que celle de comprendre ce qui, en nous, interdit de l'entendre. Le paysage en aurait-il trop vu, lui aurait-on trop souvent raconté des histoires ? Se protégerait-il par peur de revivre ces échecs ? Le paysage veut se battre jusqu'au bout.

Le paysage s'exprime parfois, laconiquement et à mots défendus. Il répond aux questions de la même façon, de sorte qu'on pourrait le confondre avec son propre reflet dans un miroir. Tiens, voici quelqu'un qui passe.




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Commentaires

  1. Le paysage retient ses mots, mais nous offre sa splendeur que vos photos sublime. Parfois le silence est si beau !

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  2. Sage ou fou, le pays n'en pense pas moins...

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