Irradiations












La Galleria Continua occupe les locaux désaffectés de la papeterie Sainte-Marie, à Boissy-le-Châtel (Seine-et-Marne). La première est une galerie privée d’art contemporain (antennes à Sienne, Pékin, La Havane), la seconde une usine à papier antérieure au XVIIème siècle, reprise par le groupe Arjomari, devenu Arjo-Wiggins.
La vallée du Morin, affluent de la Marne, était jadis parsemée de plus d’une douzaine d’usines, à tel point qu’on pouvait parler de cité papetière. La plupart ont mis depuis la clé sous la porte. En 1960, l’usine dont il est question produisait 2000 tonnes de papier par mois, principalement sous forme de rouleaux. 370 ouvriers, techniciens, cadres, participaient de ce déroulement, la plupart issus de vieilles familles papetières de la région.

Voilà pour le décor.




Une toute jeune fille italienne, probablement étudiante en histoire de l’art (je n’ai pas bien compris son français hésitant, bien que très clair et distinct, et n’ai pas voulu insister), accompagne et dirige le visiteur dans le méandre des hangars, des caves, des bureaux, des parkings. Le Morin tout proche, en tant que moteur de l’usine a le droit d’inonder les bâtiments de sa lumière intérieure. C’est heureux car le temps est gris, instable, il fait froid et humide, et cette impression est accentuée par la dureté de l'éclairage industriel.






Nous sommes peu nombreux, peut-être une douzaine, la moitié sont des enfants très à l’écoute de ce qu’ils voient. Immergés, fascinés, excités, bruyants, rieurs, joueurs, participatifs, émus, bavards, interrogateurs, enfants. De mon côté, ayant hélas perdu les dons précédents je reste scotché à l’histoire supposée ou imaginée des murs, incapable de faire le lien entre ce qu’ils racontent intrinsèquement et les œuvres qu’ils protègent, si ce n’est justement ce lien de protection ; œuvres posées, collées, accrochées ou suspendues, intactes ou à la disposition du public qui peut parfois les traverser ou les manipuler, oeuvres dont la présence protège aussi les murs, en retour. Que celles-ci viennent à manquer et ce serait la démolition. Or ce que je vois, c’est la fin brutale du travail, des lieux quittés comme précipitamment. Le chômage a dû faire l’effet d’une bombe. Au cœur de la débâcle, quelques bribes d’intimité, sciemment conservées bien sûr, irradient encore de leurs déchirures presque sentimentales le passant intimidé.







Pascale Marthine Tayou, Graffiti neon G, 2014

Pascale Marthine Tayou, Graffiti neon F, 2014

« l'accompagnatrice »


Il y a heureusement d'autres lectures possibles.


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Commentaires

  1. Imaginer des histoires du passé écrites au crayon à papier entre ces murs, ou celles d’un futur parallèle dessiné derrière ces affiches délavées, vos photos nous aident à le faire parfaitement. Merci !

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  2. un peu comme l'exposition de la collection Lambert dans l'ancienne prison Saint Anne (qu'on ne reverra plus en cet état)

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    1. Ah oui c'est vrai, je me souviens, vous nous en aviez touché un mot fourni ici

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  3. Comme à Hiroshima, des personnages ou un bestiaire fantastique imprimé (sur papier) dans les murs…

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    1. L'imaginaire a peut-être la peau dure, après quoi il se transforme ?

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