La régulation des fluides







Les plus chanceux se retrouvent en couple. Je veux parler des arbres, dans le parc. 
Un panonceau illisible, lessivé par le temps, donne à penser qu'ici l'administration a laissé le champ libre au traitement des eaux pluviales en provenance du parc de Disneyland Paris. Donc, pour traduire, « après en avoir délibéré » : raser le terrain, à l'exception de quelques rares arbres centenaires, créer des étangs en escalier plantés de roseaux pour la « phytoépuration » avec un écoulement vers la Marne, 80 mètres plus bas, profiter de l'occasion pour faire un espace vert entre Disney, son centre commercial et les lotissements de luxe, et le tour est joué.
Dans les années 80 il n'y avait pas beaucoup de zadistes*. Les paysans propriétaires ont empoché les millions de la firme sans faire d'histoire. Le tout, plus de 2000 hectares, fut bétonné en moins de 5 ans. 


Dimanche dernier il faisait beau, pour la première fois nous sommes allés nous y promener. D'habitude nous allons marcher dans des endroits moins policés (la commune de Chessy est sous vidéo-surveillance) mais après tout ici aussi l'accès est libre, c'est sans doute le seul endroit du site, du complexe, où il n'y a pas besoin de payer. 


J'ai toujours refusé de mettre les pieds, m'y aurait-on invité, dans l'enceinte colonialiste de Disney. Au-delà de l'ennui mortel que j'y éprouverais, j'en faisais une question de principe. Et tu ne m'en as jamais voulu : je refusais, et refuse toujours, de me justifier, comme si cette résistance, aussi passive soit-elle, allait de soi et coulait de source (ou alors, parfois, un éclat de voix et des gestes devant des proches).



Le plaisir que j'ai de voir que tu vas mieux, de jour en jour. Tu te remplumes, aurait-dit ma mère ou la mère de ma mère.




À propos, est-ce un effet du changement climatique, ou bien un visiteur catalan en aurait-il apporté un couple dans ses valises du vol Ryanair FR 6375 ? Quoi qu'il en soit des perruches se sont acclimatées par ici, on entend leur sifflement aigu et leurs couleurs chatoient de branche en branche. Le soleil en deviendrait presque barcelonais, à tomber la veste.




Elles s'offusquent ou rient dans les ramures d'un couple aux postures théâtrales. Un couple solitaire, par la force des choses, et visible loin alentour. Les promoteurs ont décidé ça arbitrairement, ces deux-là ont eu de la chance. On imagine l'hécatombe à un moment donné de l'histoire. Le drame fut noué, peut-être quelque effroi a-t-il perduré dans le règne végétal.




Un peu plus loin c'est une araignée de Louise Bourgeois, solitaire elle aussi mais sans son sac d'œufs. Difficile de penser à un oubli devant les musées de Bilbao ou d'Ottawa, c'est plutôt la compagnie aérienne qui l'aura délestée au motif du surpoids.
Il fait très chaud tout d'un coup. Un couple nous frôle dans un bruit étonnant : l'enfant dans une voiture électrique pilotée à distance par son père, au moyen d'une télécommande avec une petite antenne, comme on en voyait dans les catalogues de jouets des années 70. Curieusement, cela ne dénote pas trop dans le paysage post-moderne à assistance électronique.



On va rentrer. Bientôt l'époque des semis, au fait. Tu vas mieux, beaucoup mieux.




* En écrivant ces lignes, tout à l'heure, j'apprenais l'abandon du projet NDDL. Quelle bouffée d'air pur ! Pas d'illusions non plus, mais un plaisir immédiat. Reste à défendre les positions sans être la cible de trop de violences, en espérant ne pas voir la création d'un énième « parc éco-nature » avec parking et climatisation intégrée. Et que les jet-lagers aillent à pied avec leur barda ! 



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Commentaires

  1. Oui, que leurs avions aillent atterrir à Nantes avec son agrandissement "LU" et approuvé.

    Quant aux Zadistes, j'espère qu'ils ont planté quelques arbres et qu'ils pourront en profiter, ainsi que des visiteurs ne payant rien et ne rencontrant pas des "characters" signés Disney ou Weinstein. :-)

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    1. ... ou sur l'île de Jersey, avec paradis fiscal à portée de mains !
      Un Larzac en Bretagne, on verra si le Roquefort s'acclimate aussi bien que les perruches.

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    2. Vinci (comme Lactalis) en fera bien tout un fromage !

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    3. Et à Marnes-la Coquette, il n'y a pas de place pour un aéroport à Marnes-la-Coquette ? :-)

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  2. Mon oeil se rafraîchit à la beauté de ces arbres qui s'essaient à jouer les ombres chinoises mais mon coeur se serre lorsque je lis que "Curieusement, cela ne dénote pas trop dans le paysage..." :-)

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    1. Je vous comprends, mais ici l'environnement humain est excessivement high-tech ;-)
      Dans le même ordre d'idée, vous m'y faites penser, un drone a failli percuter un bel hêtre pourpre (ou subitement empourpré, j'ai un doute)...

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  3. Heureusement que ces êtres majestueux sont là malgré tout ! De bien belles images, on ne s'en lasse pas.

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