Traces, fumées




Quel que soit le mode d'emploi pour y parvenir : recherche volontaire, rencontre fortuite, forçage du destin, hasard inopiné ; d'aussi loin que viennent les souvenirs (certains pourtant étrangement neufs, presque suspects, tellement radieux au milieu des ténèbres environnantes), il faut se rendre à l'évidence : la plupart du temps n'échouent sur la grève de la réflexion que bribes, fragments, ou, si le mot n'était pas si intimidant, lambeaux.

Parfois – et la rareté en fait le prix – une coïncidence extraordinaire fait revivre un pan entier du passé, et les contemporains concernés (consternés ?) de redevenir, pour un temps, à tu et à toi avec un nous-même disparu.
On a tous connu cela.

De temps en temps, si l'on ne veut pas se ruiner dans la pauvreté de l'accumulation, se perdre dans le faux luxe de l’apparence, il est nécessaire de se débarrasser du superflu : livres de poche parcheminés par la fumée de cigarette, factures, contrats en tous genres, livrets touristiques bouffés par la vermine, gribouillis incompréhensibles, courrier familial de Basse Bretagne et de haute importance, lettres d’amour incandescentes au contact des doigts.
C'est difficile, mais pour se baigner dans l'Atlantique nord, il faut y aller résolument.

L'idéal serait de tout brûler au fond du jardin, puis d'enterrer les cendres. Mais désormais la pratique est interdite. Il serait triste d'inviter les gendarmes au festin. Le mieux est de profiter de l'écobuage d'un paysan voisin, et de livrer les liasses une à une  en pâture au brasier.
En somme, on aura caviardé sa biographie. Reproduisant par là même, génération après génération, un geste vraisemblable, en partie responsable du mal que l'on s'est tant donné pour essayer de comprendre.
Au fond, il est préférable de faire jouer son imagination.




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