Irrégulières


 

 Bien sûr, l'automne, piano piano. Les brumes, l'humidité, la froidure tout doucement.
La pâture voisine semble abandonnée à elle-même, avec le rumex en liberté avant le passage de la herse. Les paysans du coin disent que le champ est carié par les doches.


  Ces jours derniers, à la faveur d'un anniversaire je revoyais avec plaisir sur Arte un film de François Truffaut, avec le stupéfiant Jean-Pierre Léaud. La femme d'un chausseur parisien y est interprétée par Delphine Seyrig, dont j'avais oublié (ou peut-être ne l'avais-je jamais su) les non moins surprenantes origines.
Je suis très ému de revoir son beau visage et son élégance verbale et corporelle, une souplesse de la diction et de la silhouette qui, avec le temps, en deviendrait presque muséale. Un détail me retient en particulier, c'est un peu ridicule mais évident : la dentition de Delphine Seyrig est naturelle, irrégulière, légèrement grisâtre. Si différente de la norme contemporaine, celle de l'émail immaculé et rectiligne dont l'impur est gommé. En creux, c'est le rappel à la mémoire de douceurs variées : thés, cafés, alcools, tabacs...
Cette imperfection, si rare désormais dans la représentation, est infiniment touchante.

  La semaine précédente, à l'occasion d'une grande marée j'avais pris quelques photos du bord de mer à Bréhal. Sur l'une d'entre-elles, à la plage, est apparu un détail que je n'avais pas remarqué dans l'instant.
Quand on zoome un peu, on peut voir la silhouette d'Antoine Doinel, petit garçon ou jeune ado.
Il est déjà à mille respirations au-dessus des gens plantés là, dans la vase et par-derrière.



Commentaires

  1. Antoine Doinel !!! on zoome, mais oui, on le reconnaît bien. Quant au sourire émouvant de Delphine Seyrig si délicatement observé, oui encore.

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  2. que j'aime les parlers oubliés... j'ignorais l'origine de Delphine Syrig... aux qualités que vous lui donnez j'ajouterai l'élégance de sa simplicité ayant tenu il y a très longtemps avec elle comme chose très ordinaire un parapluie au dessus d'un violoniste dans la nuit d'une cour d'Avignon... et la grâce de ses gestes '"les faire jusqu'au bout" disait elle

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    Réponses
    1. (sourire)
      La jeune femme qui portait un parapluie au-dessus de Tony Estanguet lors de la cérémonie d’ouverture des JO (les hommes étant restés au sec) a fait preuve elle aussi d’un calme… olympien :-)

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  3. La brume, l'automne, les pâtures, les marées...
    Et le fin parfum de cette phrase : "Cette imperfection, si rare désormais dans la représentation, est infiniment touchante. »

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