Depuis toujours ou à peu près

 ... après quoi chacun est allé vers la plage, à son pas. Envisageant, tranquille, l'étendue en apparence horizontale et dispersante où l'œil sans hésiter fuit sur la ligne.
Et puis, au fil du temps on a vu qui s'approchant de qui, sans préméditation, au hasard d'un regard, d'une chaleur supposée, d'une conversation autrefois interrompue. Le groupe s'est distendu sur la grève d'où la mer s'était retirée, les pas ont porté si loin qu'on n'entendait plus la rumeur des vagues ni les causettes avoisinantes, ni le chant de la terre ni celui des oiseaux. À partir d'un certain moment devient étrange l'absence de repères, la dilution dans un grand vide. Le fait de s'y retrouver à plusieurs, grégaire par accident, n'y change pas grand chose. C'est un état de manque dans un lit trop vaste.
La brume nous a rattrapés à l'étale. Absolument. Où que l'on se tourne, exposition invariable, plan fixe. Il est certain que sans l'aide de nos smartphones, avec leur fonction boussole, nous n'aurions pas retrouvé notre chemin dans la bonne direction. Et le constat de cette dépendance était amère, une sensibilité perdue faute de pratique, comme les enfants qui ne savent plus tenir un stylo savent tout de même écrire, mais autrement.
Enfin ce fut le soulagement d'apercevoir les bras véhéments des pins maritimes, eucalyptus et chênes verts, leur silhouette tourmentée. Ils luttaient avec force contre la part sourde d'eux-mêmes qui les tire vers le bas, contre l'abandon en saison contrariante, ces facilités qui pourraient les abattre s'il ne se tenaient fermement à cette dicipline. Ainsi la plupart d'entre-eux survivent et rebourgeonnent, debouts ou inclinés, flamboyants ou rabougris, depuis toujours ou à peu près.
Nous étions revenus.




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