Vers la vallée obnubilée

Dès le matin, ça se complique. Après la fluidité de la nuit, incohérente certes mais fluide, liquide (amniotique je ne sais, plutôt turbulente dans le fond, avec à la surface des flaques de vrai), bref, une nuit ordinaire dans sa complexité heureuse. En réalité, parfois des ombres chères survivent au rêve et enjambent le tangible dans une sorte de perplexité connexe, silhouettes énigmatiques par le temps étirées. le sommeil est une énigme en chapelet.

Et ensuite, une fois digérée cette période tampon, l'avalanche. On ne se remet jamais vraiment de la violence de certaines lectures matinales. Avec des mots brandis en calicot, répétés à l'envi (on trouvera cependant de précieuses élévations ici, par exemple, ou , encore, et bien sûr ici, toujours — et que la joie demeure).

À l'endroit même où, le matin, je bricole, une pièce où aussi la plupart du temps je ne fais rien, on s'en rend compte — un recoin où la lenteur s'épaissit à vue d'oeil ; tout à coup sur le rebord de la fenêtre, un faisan, de profil, tout en flamboyance magnifique. Mais à cette courte distance son oeil, perpendiculaire, derrière la vitre paraissait énorme, douloureux, terrible comme celui du cheval chez Claude Simon.
Le dimanche est jour de chasse. Les jours précédant l'ouverture, des faisans d'élevage sont lâchés dans la nature pour se fondre dans le décor. Evidemment ceux-ci se rapprochent aussitôt de l'homme, confiants, pour ainsi dire, dans sa proximité jusqu'à présent bienfaitrice. Il est donc plus facile de les tuer à bout portant.

Au même moment, à la radio dans une émission de France Culture une intervenante rappelait l'étymologie du mot obnubilé : recouvert d'un nuage comme un voile. Et la bestiole sur la fenêtre avait disparu, probalement enfuie vers la vallée obnubilée.





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