Agneaux et prés salés
Depuis le début des grandes marées de novembre, une chaîne de télévision nationale diffuse en continu, et en direct, des vues de la baie du Mont-Saint-Michel. Plusieurs caméras haute définition sont installées en des points divers de la baie, chaque plan dure quelques minutes puis on passe au suivant, et ainsi de suite.
Ce procédé inspiré par Andy Warhol, pourrait-on dire, représente sans doute, dans l'esprit du concepteur, l'exact opposé de bfmtv ou de la chaîne parlementaire ; sans paroles sur la bande son (vent, chants d'oiseaux, ordonnancement campanaire), chacun imagine son propre récit, engage ses souvenirs, met en branle un protocole à venir. C'est l'affiche du président en 81 qui se serait animée, et l'église au centre du village, comme le rabâche cnews à longueur de jours et autant dans la nuit.
Dans le fait les images sont magnifiques, fascinantes, comment pourrait-il en être autrement. A leur vue, où l'on peut chérir le flux et reflux des marées, divaguer sur l'immensité du panorama, se laisser fasciner par les moindres remous dans le pli, dans les bandes, tandis que la techtonique liquide s'emballe au ralenti, l'apaisement est général. Mais ne nous y trompons pas, elles sont aussi une préfiguration de la vieillesse sous anxyolitiques, antidépresseurs ou tranquillisants, naturels ou supernaturels ou idéologiques.
Partez ! Jeunes gens, débarrassez-vous de l'écharpe du paysage et du manteau de la propriété privée, dont l'amour unique est la plus grande des escroqueries. Fuyez ! Avant que le vie ne se dérobe au fond de la perspective. Voyagez sans but et continument. Errez.
C'était un prêche dans le désert. Aussi ne le dirai-je pas deux fois sur le même ton.

Commentaires
Enregistrer un commentaire